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Etre chrétien n'est-ce pas avoir de l'humour ?

11.07.2005 Thème : Spiritualité et prière Bookmark and Share
Réponse de : Jean-Denis KraegeJean-Denis Kraege

christianisme (sauf peut-être au moyen âge) que la théologie et l'humour n'ont
pas trop fait bon ménage ! Pourtant, la Bible hébraïque n'en est pas dépourvue
(d'humour) et ce, malgré les vicissitudes subies par le peuple hébreux.
Est-ce que cette manière sérieuse et sévère
d'établir une relation avec Dieu est un héritage des Pères ? de la scholastique
? de la Réforme ? des Lumières ?
Est-ce qu'il y a aujourd'hui des théologies qui
permettent de rencontrer Dieu à travers l'humour ?
Existe-t-il des ouvrages qui parlent de l'humour et du christianisme ?
Merci pour les réponses.
Lydie
P.S. bien entenu, j'entends par humour la faculté de pouvoir rire de soi-même
qui permet de se décentrer et non se moquer et rire de tout n'importe comment
!




L'humour est bien présent, non seulement dans la Bible hébraïque, mais aussi
dans le Nouveau Testament. Vous le définissez très bien comme la capacité de
rire de soi. Pour ce faire il faut prendre distance à l'égard de soi. C'est
ce que fait l'apôtre Paul lorsqu'il incite les Corinthiens à "être... comme si ne...
pas": "Que ceux qui ont une femme soient comme s'ils n'en avaient pas, ceux
qui pleurent comme s'ils ne pleuraient pas, ceux qui se réjouissent comme s'ils
ne se réjouissaient pas, ceux qui achètent comme s'ils ne possédaient pas, et ceux
qui usent de ce monde comme s'ils n'en usaient pas réellement, car ce monde,
tel qu'il est formé, passe" ( I Cor 7,29b-31). Dans la prière sacerdotale, Jésus
dit de ses vrais disciples qu'ils ne sont pas du monde comme lui-même n'est pas
du monde et pourtant il ne demande pas à son Père de les enlever du monde (Jean
17,14-15). Etre chrétien, c'est être pleinement dans le monde sans être "du"
monde. Cette contradiction est précisément le lieu de l'humour chrétien. Dans les
évangiles synoptiques Jésus use fréquemment d'ironie à l'égard de ses adversaires
(cf. Mt 12,22-30 à propos de l'accusation que Jésus serait possédé par Béelzeboul).
Il invite aussi ses disciples à faire preuve d'humour à l'égard d'eux-mêmes. Ce me semble
être le cas lorsqu'il renvoie à la bêtise de leurs aspiration les deux fils
de Zébédée, Jacques et Jean, qui voudraient avoir les places d'honneur auprès
de Jésus dans sa gloire (Mc 10,35-45). A chaque fois que Jésus utilise d'un
paradoxe pour renvoyer ses interlocuteurs à leur propre décision, il les invite
en fait à adopter une attitude humoristique ( à l'égard de leur attachement
de la loi Mc 2,27, à l'égard de leur attachement à l'argent ou à l'état Mt 6,24
& Mc 12,17).
A noter que l'humour ne s'oppose pas si facilement au sérieux. Il y a du sérieux
dans l'humour: la prise au sérieux de Dieu, par exemple, qui inciter à rire
de soi. Quant au sérieux généralisé auquel l'humour s'oppose effectivement,
il n'y a pas eu besoin d'attendre les pères apostoliques pour le trouver dans le christianisme.
Judas ne manque-t-il pas cruellement d'humour ? de même Pierre et son attachement
à la circoncision et à la loi qui le sécurisent tant ? Je ne parle pas du manque
d'incitation à l'humour de certaines épîtres... Dans l'histoire de l'Eglise, l'invitation
à l'humour réapparaît régulièrement. C'est le cas chez Luther et surtout chez
Soeren Kierkegaard. L'une des réflexions les plus poussées sur l'humour a certainement
été menée par ce crypto-chrétien que fut Dürrenmatt. A propos de ces trois derniers
noms, référez-vous à plusieurs publications du professeur Pierre Buehler de
la faculté de théologie de Zurich et en particulier à son cahier déjà ancien
sur Foi et Humour, Bulletin du Centre protestant d'Etudes de Genève, juin 1976, 28e
année, No 3.



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