Malheur aux riches ?

J'ai lu dans la Bible (Luc:6;24-25 par ex.)quelque chose qui m'a surprise. Est-ce
que ce passage veut dire que si nous sommes riches aujourd'hui, que nous mangeons
à notre faim,que nous avons une bonne situation,... nous n'aurons plus cette
chance dans le Royaume de Dieu? Que nous auront même que du malheur? Je ne suis
pas sûre d'avoir bien compris, alors j'ai pensé m'adresser à vous...
merci!
Chère Fanny,

À la base, il y a un problème de traduction. Il ne faut pas oublier que Jésus
était Juif et qu'il parlait l'araméen. Comme le font encore les Juifs aujourd'hui
dans leur langue, l'hébreu, Jésus disait ou criait "Hoy".

"Hoy" est une lamentation rituelle, qui signifie : "Hélas ! il est mort, elle
est morte", ou "Hélas ! ils sont morts, je pleure sur eux."
C'est une lamentation funèbre, pas une malédiction. Jésus n'a jamais prononcé
de malédiction sur quelqu'un, mais il a, dans certaines circonstances, pleuré
sur la mort future (ou plutôt : annoncée, déjà enclenchée)de certaines personnes.
C'est pourquoi "Malheur à vous, les riches" est une traduction catastrophique.
"Malheureux êtes-vous, les riches", c'est déjà mieux.

Jésus pleure sur les riches. Il exprime sa compassion. Je cite ici la note de
la TOB au verset 26 de Luc 6 :
"Ce ne sont pas des malédictions ni des condamnations irrévocables, mais des
plaintes et des menaces : des appels vigoureux à la conversion."

Vous avez raison de dire que nous sommes riches aujourd'hui et que nous mangeons
à notre faim. Nous avons une chance insolente, des privilèges qui frisent l'indécence,
par rapport aux gens du tiers-monde. C'est très bien que vous vous en rendiez
compte. C'est comme si Jésus nous disait : "Faites gaffe." Cela rappelle bien
ce que le Dieu d'Israël nous dit en Deutéronome 6, versets 10 à 12, après une
énumération des richesses que Dieu nous donne et dont nous allons profiter :
"Garde-toi bien d'oublier le Seigneur ton Dieu."

Nous avons le droit d'être riches ou de vivre pauvrement. Le problème n'est
pas là. Par contre, ce qui est extrêmement dangereux, c'est de s'imaginer qu'avec
nos richesses, nous n'aurons plus besoin d'amour ni de personne. Avec mes richesses,
je peux vivre dans mon cocon, fermer mon coeur à mon Seigneur et à mon prochain.
Ma vie risque alors d'être foutue. C'est à ce moment que Jésus me dit : "Hoy
! Ta mort me brise le coeur. Comment pourrai-je t'aider ?"

Le style de l'évangéliste Luc est percutant. Ces versets, qui provoquent notre
réflexion, peuvent nous être salutaires. Jésus réclame de notre part davantage
d'ouverture à notre entourage qui peut avoir besoin de nous et davantage d'ouverture
sur notre monde qui souffre.

Mais en posant cette question, vous avez fait un bon pas. Je vous encourage
à continuer votre découverte du message de l'Évangile, dans ce qu'il a de vif,
de piquant, de provocant, de toujours vivant.

Bien amicalement.