A qui Dieu pardonne-t-il ?

Je ne crois pas que les deux courants dont vous parlez soient si clairs que
cela : c'est vrai que les évangéliques insistent peut-être plus que les réformés
sur la conversion, tandis que les réformés aiment mieux parler du salut offert
à tous (ce qui est d'ailleurs un peu différent que de dire simplement "Dieu
pardonne à tous" : on ne sait pas à qui Dieu va pardonner, au bout du compte
- tout ce qu'on sait, c'est qu'il offre le pardon à tous). Mais aucun de ces
deux courants, à ma connaissance, ne limite son discours à cela : les évangéliques
parlent aussi du salut offert à tous, et les réformés parlent aussi de conversion.

D'ailleurs, les réformés, autant que les évangéliques, sont conscients, je pense,
du fait que le salut accordé par Dieu ne nous dispense pas de modifier notre
attitude. Ce n'est pas parce qu'on est pardonné gratuitement, qu'on se convertit,
qu'on peut agir n'importe comment. La différence avec la théologie catholique,
c'est de nouveau plutôt une affaire d'accent mis de manière plus forte sur tel
ou tel aspect des choses : les protestants mettent l'accent sur le salut par
pure grâce, sans qu'aucun de nos mérites y soit pour quelque chose, alors que
les catholiques soulignent plutôt la nécessité d'avoir une attitude qui soit
en accord avec l'amour que Dieu nous offre (j'espère ne pas trop simplifier
les choses en disant cela !).

Mais dès lors qu'on met l'accent sur un certain aspect des choses, on risque
d'oublier l'autre versant... les protestants ont donc effectivement tendance
à oublier un peu les oeuvres, alors que les catholiques sautent un peu trop
vite sur l'"après-salut", au risque de laisser dans l'ombre la gratuité du salut offert
par Dieu.

Je ne vois donc pas d'incompatibilité entre réformés et évangéliques, pas plus
qu'entre protestants et catholiques. Il y a, partout, des efforts humains pour
tenter le difficile pari de dire l'essentiel de la foi chrétienne - un essentiel
qui a plusieurs facettes ! Pour découvrir ce que la foi signifie pour soi-même,
on ne peut donc pas faire autrement que d'écouter chaque courant, chaque facette,
en essayant de comprendre quels sont ses enjeux principaux, puis de se faire
une opinion personnelle. Mais je ne crois pas qu'on puisse dire que l'un ait plus
raison que l'autre.