Peut-on pardonner à ceux qui ont gâché la vie d'un vigile...

et de cette absurdité ? (ne me ressortez pas Job, s'il vous plait !)
Si justice divine signifie indifférence à la souffrance et à l'horreur, ça ne
passe pas pour moi non plus ! Mais jamais, dans la théologie chrétienne, il
n'a été question de dire cela. Au contraire, le message pour lequel le Christ,
et d'innombrables chrétiens après lui, s'est engagé jusqu'à la mort, c'est le suivant
: la souffrance, l'injustice, la violence, tout cela est intolérable, insupportable;
contre tout cela nous devons lutter de toutes nos forces. Mais cette lutte ne
peut s'exercer que d'une manière bien précise, à savoir, au travers de l'amour.
Car l'amour est la seule arme véritablement efficace contre l'injustice et la
souffrance.
C'est dans ce contexte-là que les chrétiens parlent de pardon. S'il s'agit,
pour Dieu, de pardonner, ce n'est justement pas pour gober toutes les injustices
en y étant indifférent, mais c'est pour que cessent les injustices et la souffrance.
Dans le cas de ce vigile, je ne crois pas qu'on peut parler de pardon comme
ça, au premier abord. Oui, c'est vrai, Dieu pardonne. Mais pardonner ne veut
pas dire fermer les yeux. Pardonner, pour Dieu, c'est oser prendre le risque
de donner une deuxième chance à quelqu'un, pour l'aider à sortir du cercle infernal
de la haine. Le pardon de Dieu nous est offert gratuitement, oui, mais il est,
à mon avis, loin d'être systématique. Il est plutôt exigeant, dans la mesure
où il demande d'abord que le mal commis soit reconnu, et qu'il y ait une volonté
de changer, ensuite, son comportement. On n'est pas pardonné pour continuer
à aggresser des vigiles, on est pardonné pour pouvoir vivre autrement, changer
son comportement, en finir avec un vie de violence et de haine - car, soit dit
en passant, quelle souffrance infernale devait habiter habiter ces jeunes pour
qu'ils en arrivent là; quelle souffrance doit être la leur en prison, sachant
qu'ils ont commis cet acte atroce, qui va probablement gâcher leur vie à eux
aussi.
Ainsi, le pardon a pour but de briser le cercle infernal de la haine et de la
violence. La vie de ce vigile est gâchée, sa souffrance est atroce. Je pense
que pour Dieu aussi, cette souffrance est insupportable, incompréhensible. Mais
devant un tel gâchis, quoi faire ? Continuer à exercer la violence, comme vengeance,
en infligeant une peine plus lourde encore à ces jeunes ? Ou briser le cercle
vicieux, et ouvrir une fenêtre vers un autre horizon ? Laquelle des deux solutions
pourra permettre au vigile de vivre, malgré tout, d'espérer, au coeur même de
sa douleur ?