Où est Dieu pendant un abus ?
est intolérable et révoltante, il est absolument normal qu'elle provoque haine
et ressentiment, et qu'elle vous amène à vous poser la question de Dieu : mais
que fait-il là au milieu ?
Si vous entendez le message des chrétiens comme un message qui vous obligerait
à pardonner, c'est qu'on a effectivement manqué de tact envers vous, ou qu'on
a pas bien mesuré votre souffrance. Pour ma part, je pense qu'on ne peut pas
pardonner comme ça, d'un coup, en faisant l'impasse sur la souffrance et la colère.
Il faut d'abord crier tout cela, il faut que la révolte puisse aller jusqu'au
bout - quitte à remettre en question la foi en Dieu ! Il faut pouvoir dire à
Dieu que là, c'est trop dur, que ça va trop loin, qu'on ne peut plus croire à
sa présence quand on a vécu cela.
Le pardon n'est pas une loi, ce n'est pas quelque chose que l'on doit faire
sous peine d'être considéré comme un pécheur. Le coupable, dans l'histoire,
ce n'est pas vous, c'est la personne qui vous a abusée. Le pardon ne peut survenir
qu'au bout d'un long processus, qui passe d'abord par la révolte, la colère, la
haine. Le pardon n'est pas à l'ordre du jour, pour vous ! Peut-être qu'un jour,
après avoir pu exprimer tous les sentiments qui sont en vous, vous ressentirez
le besoin de dépasser ce qui s'est passé - non pas oublier, mais dépasser, aller
plus loin, avancer malgré tout : à ce moment-là, peut-être, aurez-vous envie
de pardonner, pour vous libérer de ce poids que vous portez. Mais le pardon
ne doit en aucun cas être un poids supplémentaire. Il ne peut aboutir que comme
une libération, au bout de ce processus.
Pour le moment, il vous faut d'abord crier à l'injustice... ce serait le comble
si vous deviez encore vous sentir coupable de ne pas pardonner ! C'est vrai
que Dieu peut paraître bien lointain dans ce genre de situation... la seule
chose que je peux vous dire, c'est que pour les chrétiens, Dieu est du côté
des victimes, des petits, de ceux qui pensent n'être plus rien du tout. Même
si cela doit vous paraître inconcevable en ce moment, Dieu vous aime, il vit
avec vous cette terrible souffrance qui vous accable, comme il a vécu jusqu'à la
mort l'épreuve de la croix. Il ne regarde pas en ricanant pendant qu'une personne
est abusée... je crois plutôt qu'il pleure...