Que dire à propos de la rencontre entre Jésus et une femme syro-phénicienne ?

Venant de travailler le récit de Marc 7.24-30, je fais un bout de chemin avec
vous.
Dans ce récit, le passage de Jésus à l'étranger n'est pas expliqué, ni sa volonté
de discrétion qui n'empêche pas la rumeur publique de passer la frontière avec
lui. Cette frontière n'est pas seulement géographique, elle est aussi culturelle
et religieuse; Jésus en bien est conscient.
Là où il entre, il est rejoint par une femme dont le nom n'est pas mentionné
et qui se jette à ses pieds. Une rumeur donne à cette femme d'espérer que Jésus
pourrait sauver sa fille malade. Cette femme est "grecque, syro-phénicienne
de naissance" : elle est donc bien de cette région où Jésus se trouve et elle
parle la langue d'un milieu cultivé. Cela explique-t-il sa liberté de parole
à l'égard de Jésus ?
En tout cas, son inquiétude aiguise son intelligence : à Jésus qui lui répond
en langage imagé, elle répond en prolongeant l'image et en la retournant à son
avantage : elle entre dans l'image fermée de Jésus ("C'est vrai..."), puis elle
l'ouvre : "mais..."
La réponse de Jésus est dure en effet, mais elle reste digne : son refus n'est
pas frontal, il passe par une image. Le sens en est clair : il y a d'un côté
"les enfants", celles et ceux qui ont Abraham pour ancêtre et qui attendent
un libérateur. Pour libérer ces "enfants" Jésus est prêt à bousculer les limites
des traditions et des habitudes des gens de son peuple, mais il n'est pas encore
prêt à passer la frontière pour aller au-delà de la famille d'Abraham.
Là où il en est, les "petits chiens", c'est-à-dire les païens, n'ont pas droit
à la libération promise aux "enfants". Jésus assume ainsi son héritage national
et religieux.
Mais cette mère, elle sait bien que les "petits chiens" mangent les miettes
laissées par les enfants. Elle ose le dire. Par sa parole, la frontière fermée
par Jésus devient lieu de passage. Devant l'urgence de la souffrance, aucune
barrière ne tient.
Jésus était bloqué, le voici libéré par l'insistance d'une mère. Il affirme
alors que la fille, elle aussi, ne peut être que libérée.
Nouvelle étape dans le cheminement de Jésus : à force d'être présent à toute
rencontre, il est conduit toujours plus loin au-delà des schémas traditionnels.
Ceux qui veulent l'arrêter vont bientôt préparer une croix... Mais c'est finalement
bien à lui que Dieu donnera raison.
Et nous voici à nous interroger aujourd'hui sur nos manières de transformer
ou non nos schémas fermés en lieux de passage ouverts.
Bonne suite de cheminement !