Comment éviter le "complexe du saint-bernard" ?
On nous exorte toujours à donner, à se sacrifier, à être les bons samaritains.
Mais pour donner sans cesse, il faut qu'il y ait sans cesse des gens pour recevoir.
Or le christianisme n'apprend pas à recevoir. De Dieu oui, d'autrui non. Ou
est-ce que je me trompe?
Zoé
Chère Zoé,
J'ai choisi un drôle de titre pour répondre à votre question. Je ne sais pas
si vous connaissez l'expression "complexe du saint-bernard" ; c'est une allusion
au dévouement de ces gros chiens qui sauvent des vies, mais dans un sens qui
n'est pas très positif : il s'agit du problème des gens qui se sacrifient au point
même de se résigner à ne recevoir aucun témoignage de reconnaissance, si petit
soit-il. Or ce n'est pas cela que la religion chrétienne nous apprend. Il est
important de faire la part des choses. Je pense qu'il est important aussi de ne
pas se faire avoir, et de faire preuve de discernement. Si je suis heureux d'aider
les gens, c'est bon ; si, par contre je me sens triste, fatigué, déprimé, à
force d'aider les autres, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond ; je suis
en train de faire ce fameux complexe du saint-bernard.
Ce n'est pas ce que Jésus souhaite nous apprendre lorsqu'il raconte l'histoire
du bon Samaritain au chapitre 10 de l'évangile de Luc (versets 29 à 37). J'aimerais
attirer votre attention sur le fait que Jésus pose cette question au verset
36 : "Lequel des trois, à ton avis, s'est montré le prochain de l'homme qui était
tombé sur les bandits ?". Par cette interrogation, Jésus nous invite à nous
mettre à la place de l'homme blessé et à nous demander qui a été notre prochain
à nous. Oui, la question "Qui est mon prochain ?", avant de signifier "Qui dois-je
aider ?", signifie d'abord : "Qui m'a aimé ? Qui m'a aidé à grandir ? Quelles
sont les personnes qui ont contribué et contribuent à mon épanouissement personnel
?" En d'autres termes, Jésus nous invite à méditer sur tout ce que nous avons
reçu et continuons de recevoir de la part de Dieu et d'autrui.
Prendre conscience, garder la mémoire de toutes les bonnes choses que nous avons
reçues et continuons de recevoir de la part de Dieu et d'autrui, c'est déjà
une excellente manière d'apprendre à recevoir, ne croyez-vous pas ?
Je crois même que c'est la première étape par laquelle il nous faut passer pour
pouvoir devenir à notre tour des bons samaritains, sans tomber dans le complexe
du saint-bernard. C'est ainsi que Jésus dit au légiste : "Va, et toi aussi,
fais de même." (Luc 10,37.)
Je vous souhaite plein de joies et de découvertes dans votre engagement en faveur
de Dieu et d'autrui.