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Différence dans le discours ?

18.11.2003 Thème : Foi: que croire et comment ? Bookmark and Share
Réponse de : Jean-Charles BichetJean-Charles Bichet
>Cher Georges,

Permettez-moi de commencer par une histoire vraie, qui m'a été transmise par
l'un de mes amis curé, aumônier des sourds.

Lors d'une leçon de catéchisme, qui portait sur l'Apocalypse et la fin des temps,
le curé fut surpris de voir une petite fille éclater en sanglots. Après avoir
longuement essayé de la calmer, le curé a pu comprendre ce qui s'était passé.
La petite fille s'est exprimée en ces termes : "Vous nous avez dit que nous nous
réveillerions au son de la trompette à la fin des temps. Je suis donc bonne
pour l'enfer, parce que je suis sourde !"

Anecdote amusante, peut-être, mais significative, et que je prends très au sérieux.
Il me semble que nous avons affaire à un important problème de vocabulaire,
et que nous touchons une question de base, qui est celle de l'imagerie (les
spécialistes parlent de l'imaginaire), des images que nous employons pour décrire
certaines réalités.

Il est exact que la Bible parle de l'enfer, plus précisément du séjour des morts.
Mais ce fameux mot "enfer" signifie d'abord le "lieu inférieur, le lieu d'en-bas",
comme dans le nom du petit village jurassien des Enfers.

Le séjour des morts était un lieu où la vie n'existait tout simplement pas,
un endroit que Dieu n'était pas censé habiter. Mais cet enfer a été "vidé" en
ce sens que Jésus, par sa mort sur la croix, les a "forcés". Jésus est passé
par là, de sorte que nous sommes assurés de ne plus jamais être seuls avec nous-mêmes,
aussi bien dans notre vie que dans notre mort. Cf. Philippiens 2,10 où les gens
qui se trouvent "en enfer" tomberont à genoux quand ils entendront le nom de
Jésus.

L'enfer, à mon avis, est un lieu tout simplement, non pas une scène de torture
ou un théâtre de souffrances intolérables ; je dis "lieu", mais je vous rappelle
que c'est une image ! Il me semble important de dédramatiser ce thème, de faire
la part des choses. Les personnes malades et handicapées ont d'ailleurs besoin
de recevoir un message réconfortant, un message d'espérance.

Plutôt que de parler de l'enfer, il me semble plus judicieux d'inviter les gens
à essayer de s'imaginer une vie sans aucun contact avec Dieu, de qui nous recevons
la vie, l'amour, la joie, la paix, le bonheur... C'est déjà inimaginable ! "Les
tourments de l'enfer", c'est d'abord la mort pure et simple.

Pour ma part, je réfléchis à deux fois avant d'aborder un sujet tel que celui
de Satan. Parmi les théologiens, il y en a d'ailleurs qui font remarquer que
parler constamment de Satan peut être une échappatoire, une manière d'esquiver
le problème de notre responsabilité humaine. Leur argument me paraît pertinent.
Si le monde souffre, je porte aussi ma part de responsabilité. Je veux bien
qu'il y ait "quelque part" un mauvais esprit qui m'influence ou cherche à le
faire, mais c'est d'abord moi-même qui suis en cause. Cependant je peux me corriger,
je peux faire demi-tour vers Dieu, lui demander pardon, promettre de ne pas
recommencer, car Jésus est mort pour moi afin que je vive pour lui.

Le livre de l'Apocalypse insiste sur le fait que Satan a été vaincu, parce que
l'Agneau a été immolé. C'est une manière impressionnante d'affirmer que le jour
du Vendredi Saint, Satan a "perdu la partie". Même s'il semble se déchaîner
aujourd'hui, jamais il n'aura le dernier mot. La chute de Satan est, selon l'avis
de certains biblistes, l'une des affirmations majeures du Nouveau Testament.

Cela dit, j'insiste beaucoup sur le fait que Christ est vivant aujourd'hui et
que par lui nous sommes sauvés. Encore nous faut-il montrer, par notre comportament,
notre vie quotidienne, par notre amour, que Christ nous a sauvés. Dietrich Bonhoeffer,
si je ne me trompe, a dit que la grâce de Jésus est gratuite (sinon elle ne serait
pas une grâce), mais qu'elle coûte tout...

Si vous me permettez une autre image, disons que nous vivons dans une fourchette
entre deux versets de Paul : d'un côté, Dieu veut que tous les hommes soient
sauvés (1 Timothée 2,4) ; de l'autre, on ne se moque pas de Dieu (Galates 6,7).

Saint Paul insiste beaucoup sur l'aspect sérieux de la vie chrétienne, qui nous
engage, qui nous responsabilise. Mais on peut être sérieux avec humour ! Et
je dirais encore : avec amour. Et cela, c'est assez dérangeant, n'est-ce pas
?

Le discours sur l'enfer, sur le jugement dernier, joue, si vous voulez, le rôle
d'un garde-fou contre certains "dérapages". Mais l'enfer en lui-même n'est pas
un article de foi... Je crois en Jésus, pas au diable. Pour être plus précis :
je crois qu'il existe un esprit mauvais, mais je ne crois pas en lui. Croire en
quelqu'un, c'est déjà placer ma confiance en lui ! Il nous faut donc faire très
attention au vocabulaire que nous employons.

Nos discours diffèrent peut-être, mais j'ose croire que le mien n'atténue pas
la force, la vivacité, le côté percutant du message biblique.

Cher Georges, j'espère vous avoir donné quelques éléments de réflexion qui vous
permettront de poursuivre votre recherche. Comme nous dit Jésus, nous sommes
la lumière du monde (Matthieu 5,14), mais il nous incombe de briller devant
tous, c'est-à-dire de manifester par notre conduite, nos gestes, notre amour,
la lumière par laquelle le Christ éclaire nos vies (Matthieu 5,15). Il y a déjà
là l'idée que nous devons fournir un certain effort... Une fois de plus, n'est-ce
pas dérangeant ?

Bien à vous de même.



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