Qu'est-ce que le saut de la foi ?

On cite fréquemment cette phrase d’Augustin hors de tout contexte pour
dire à ceux qui désespèrent de jamais trouver Dieu qu’ils l’ont déjà trouvé
sans le savoir. Apologétique un peu facile !
Avec vous, je pense, en effet, qu’il ne suffit pas de chercher. On peut chercher
indéfiniment sans trouver. Vient un moment où, cherchant, il faut effectivement
sauter Ÿ. Ce qu’on a trouvé, dans la tradition judéo-chrétienne en tout cas,
c’est un message, une promesse. Face à cette parole me disant, par exemple, que
j’ai une valeur infinie aux yeux d’un être – du seul être – absolu, je ne puis
que me décider, sauter. L’accepter ou la refuser. Sauter dans un sens ou dans
l’autre, il le faut certainement. Ne pas sauter, c’est déjà faire le saut Ÿ du
refus la toute vérité à cette parole.
Le grand spécialiste du saut en matière de foi est le penseur danois S¶ren Kierkegaard.
Sauter, c’est pour lui renoncer à toute assurance. Kierkegaard compare ce saut
à celui de quelqu’un qui a appris à nager sur une plage et qui se jette à l’eau
au milieu de l’océan. Il parie que si l’eau l’a porté là où il avait son fond,
elle va encore le porter quand il aura 10´000 pieds d’eau Ÿ en dessous de
lui.
Dans le vocabulaire de Blaise Pascal, cela s’appelle parier : parier que Dieu
existe, qu’il vaut la peine de lui faire confiance et de faire confiance aux
paroles qu’on raconte et qui disent qu’il nous fait une promesse. C’est parier
sans assurance que Dieu existe sans aucune preuve de cette existence (parce que,
après Kant, on sait qu’on ne pourra jamais en avoir). C’est parier que ce
qu’on nous dit qu’il nous a dit Ÿ peut changer radicalement quelque chose dans
ma vie parce que cela est vrai… et pourtant je n’ai aucune assurance que cela soit
vrai plutôt que faux…
On peut encore dire ce saut en termes de changements de compréhension de sa
vie. Sauter, c’est parier qu’en suspendant tout dans notre vie à notre relation
à Dieu, on verra toutes nos autres relations être renouvelées . C’est parier
que ce doit être la relation à Dieu plutôt que celle à soi-même, à autrui, à la
culture etc. qui doit être mise au centre afin de tout articuler autour d’elle.