Comment le protestantisme se situe-t-il face aux images ?
Merci tout d’abord pour votre question. C’est, à ma connaissance, la
première consacrée à la question des images après le moment de folie médiatique
qui a eu lieu autour des caricatures de Mahomet. Il y a là quelque chose d’étonnant.
Pour en venir au contenu de votre question, il faut d’abord dire que le protestantisme
est attaché à la Parole de Dieu. Pour lui, Dieu est fondamentalement un Dieu
qui parle. Ce qui importe ce n’est dès lors pas tant l’image, la représentation
que nous avons de Dieu que ce qu’il nous dit. Mais il va de soi que l’on ne peut
pas s’empêcher de se représenter Dieu à partir de ce qu’il nous dit. Le protestantisme
met toutefois historiquement en garde contre toutes nos représentations de Dieu.
Elles seront toujours partielles et partiales donc fausses. Dès que nous nous représentons
Dieu d’une manière, il convient donc de se le représenter aussi de la manière
radicalement inverse et de se dire que ni l’une de ces représentations n’est
correcte, que leur addition paradoxale n’approche qu’imparfaitement la réalité.
Ainsi, si je dis de Dieu qu’il est père (celui qui est proche, à qui je puis
me confier), il me faut immédiatement ajouter qu’il est aussi aux cieux Ÿ (lointain,
qui toujours m’échappe, à qui je dois me soumettre…). Il est aussi faux de dire
que Dieu est père que de seulement dire qu’il est lointain. Il est les deux
à la fois. Allez donc représenter cela picturalement ! C’est déjà plus facile
littérairement.
Le protestantisme affirme aussi que Dieu nous a donné une fois pour
toutes une image de lui-même en Jésus. Dès lors on peut se permettre de représenter
Jésus. On peut le faire picturalement et littérairement. Il faut pourtant savoir
que ces représentations de Jésus ne sont ni des représentations de Jésus tel qu’il a été
en réalité, ni des représentations de Dieu. Car, même en tant que vraie image
de Dieu, Jésus n’est pas ce à quoi Dieu serait réductible. Dire de Jésus qu’il
est la vraie image de Dieu signifie simplement qu’après Jésus on ne peut plus
se représenter Dieu n’importe comment. Le barbu tout puissant habitant le ciel
est incompatible avec le pantin désarticulé pendu au bois du Golgotha. C’est
à partir de ce que Dieu nous a dit et montré de lui-même en Jésus que nous devons
donc dire Dieu de manière dialectique et paradoxale comme indiqué ci-dessus
(Notre père qui est aux cieux).