théodicée 5

de la même manière, je ne puis malheureusement répondre personnellement à chacun.
Je vous fais donc une réponse collective en cherchant par la même occasion à
ouvrir la discussion. Je démarre sur la dernière intervention de microbe qui me paraît
toucher à quelque chose de très important.
Car enfin nous y voici! Le christianisme est une folie. Il y a deux mille ans
que nous le savons. Mais c'est utile de le répéter et de se l'entendre dire
de temps à autre. Paul le reconnaît au début de la première épître aux Corinthiens.
Les évangiles ne cessent de présenter des hommes et des femmes scandalisés par
ce que fait Dieu en Jésus ou Jésus au nom de Dieu. C'est une folie de prétendre
que Dieu puisse se faire homme dans un être de rien venant du fin fond de la
Galilée qui a mal fini en subissant le pire supplice alors inventé. C'est une
folie de prétendre que Dieu nous a parlé en un être si peu sage, si peu puissant
et si peu glorieux. C'est encore une folie de prétendre que nous puissions être
interpellés par Dieu au travers d'événements tragiques, abominables, incompréhensibles.
Ce sera toujours une folie de prétendre que Dieu n'est pas tel que nous le rêvons,
l'imaginons, le projetons...
Pourtant, avant de m'enfermer et de me priver de communication avec le monde
raisonnableŸ, ayez l'obligeance de répondre à quelques questions, ne serait-ce
que pour votre propre édification. Vous parlez de deux points de vues possibles:
soit vous croyez que Dieu existe, soit vous pariez que tel n'est pas le cas.
Si Dieu existe à vos yeux, il y a deux grandes possibilités: il faut réserver
une petite place à Dieu qui n'aurait pas alors affaire avec tous le aspects
de ma vie (c'est la question de départ de jean-phil). Autre possibilité: il existe
plusieurs Dieu, en tous cas deux: un du bien et l'autre du mal.
1. Si Dieu n'existe pas parce qu'on ne peut pas expliquer ce qui touche à la
destinée du monde (de nos vies), existe-t-il - ce à quoi les athées n'ont à
ma connaissance pas encore répondu - un sens à notre vie et quelque vérité-authenticité
possible à cette même vie et dans le monde ? En d'autres termes, s'il n'y a pas
d'absolu, la seule solution n'est-elle pas le suicide ?...
2. Si Dieu ne concerne qu'une partie de ma vie, de quelle aide peut être un
tel Dieu par exemple seulement intérieur, qui me remonterait le moral ou me
ferait la morale mais n'aurait rien à voir avec le monde ? Celui-ci est-il bonne
création comme le dit la tradition judéo-chrétienne? est-il un chaos qu'il faut
se dépêcher de fuir ? (cf. la troisième possibilité) Au passage n'est-ce pas
une autre forme de suicide ou pour le moins de vie déséquilibrée ?...
3. S'il y a en tous les cas deux dieux - quelqu'un parmi les scandalisés signe
Mani - est-ce très agréable d'être sur le lieu du combat entre ces dieux? Pourquoi
le dieu du bien ne l'emporte-t-il pas déjà maintenant sur celui du mal ? Faut-il
présentement lui accorder seulement une petite place à l'intérieur de moi ou à l'extérieur
du monde (cas de figure 2) en désespérant totalement de ce monde mal créé ?
Est-ce très réconfortant de savoir que le bien l'emportera peut-être à la fin,
quand je ne serai plus sur terre ?...
Il y a peut-être encore d'autres manières d'articuler l'existence de Dieu et
celle du mal. Je serais heureux de les connaître et d'en discuter avant d'être
enfermé. Et si vous arrivez à répondre aux questions découlant de l'une au moins
de trois positions que j'ai énumérées, je serais très heureux de poursuivre le dialogue
avec vous. Sinon, réexaminez la folie qu'est le christianisme lequel confesse-reconnaît
qu'il existe un Dieu qui peut parler au travers de crucifiés, de certains événements
de l'histoire (personnelle et mondiale) et même de certaines réalités naturelles. J'espère
seulement que vous n'aurez pas choisi le suicide et que vous préférerez poursuivre
la route et le dialogue. Je vous signale dans ce sens le petit ouvrage sous
forme de roman que j'ai intitulé "Le procès du diable" (Genève, Labor et Fides,
1996) qui traite plus avant de ce sujet.