Que signifie expérimenter la grâce?

r>Bonjour,

Je ne peux pas parler au nom de mon collègue et de l'expérience qu'il évoque
dans sa réponse... J'aimerais simplement souligner qu'il y aurait un danger
à ne s'arrêter qu'au côté "émotionnel" ou "sensible" de la grâce...

Dans grâce, il y a l'idée de gratuité. Découvrir dans sa vie la grâce, c'est
accueillir l'Amour gratuit du Christ, indépendamment de tout ce que l'on a pu
faire... C'est alors une expérience de "légereté", malgré le poids de nos vies...

Sur ce sujet, permettez-moi de vous communiquer un texte un peu long, mais que
j'aime relire, du théologien Paul Tillich, qui s'interroge sur ce que signifie
être touché par la grâce...:

Que signifie être touché par la grâce ?

"Cela ne veut pas dire que nous croyons soudain que Dieu existe ou que Jésus
est le Sauveur ou que la Bible contient la vérité. Croire que quelque chose
est, c'est presque le contraire de la signification de la grâce. De plus, la
grâce ne veut pas simplement dire que nous faisons des progrès dans le contrôle moral
de nous-mêmes, dans notre lutte contre la société. Le progrès moral peut être
un fruit de la grâce, mais il n'est pas la grâce elle-même et peut même nous
empêcher de recevoir la grâce...Et certainement la grâce n'arrive pas tant que nous
pensons, dans notre autosatisfaction que nous n'avons pas besoin d'elle. La
grâce nous touche lorsque nous sommes en grande peine ou inquiétude. Elle nous
touche lorsque nous traversons la sombre vallée d'une vie qui n'a pas de sens
et qui est vide . Elle nous touche lorsque nous sentons que notre séparation
est plus profonde que d'habitude parce que nous avons violé une autre vie. Elle
nous frappe lorsque le dégoût de notre être, de notre indifférence, de notre faib
lesse, de notre hostilité et de notre manque de but et de stabilité nous est
devenu intolérable. Elle nous touche lorsque, année après année, la perfection
de vie que nous désirons ardemment ne vient pas, lorque les vieilles compulsions
règnent en nous, lorsque le désespoir détruit toute joie et tout courage. Parfois,
à ce moment-là une onde de lumière jaillit dans notre nuit et c'est comme si
une voix disait . "Vous êtes accepté, accepté par ce qui est plus grand que
vous et dont vous ne connaissez pas le nom; n'en demandez pas le nom maintenant; peut-être
le découvrirez-vous plus tard; pour l'instant, n'essayez pas de faire quoi que
ce soit ; plus tard peut-être pourrez-vous faire d'avantage. Ne cherchez rien;
ne faites rien; ne faites pas de projet. Acceptez simplement le fait que vous soyez
accepté!" Si cela nous arrive, nous expérimentons la grâce. Après une telle
expérience, nous pouvons ne pas être meilleurs qu'avant et nous pouvons ne pas
croire plus qu'avant mais tout est transformé. A ce moment-là, la grâce conquiert
le péché et la réconciliation comble l'abîme de l'aliénation. Et il n'est rien
demandé de cette expérience, pas de présuppositions religieuses, ni morales,
ni intellectuelles, rien que l'acceptation.
A la lumière de cette grâce, nous percevons le pouvoir de la grâce dans notre
relation aux autres et à nous-mêmes . Nous expérimentons la grâce d'être capables
de regarder franchement dans les yeux d'un autre, la grâce miraculeuse de la
réunion de la vie avec la vie"

Paul Tillich