Comment croire après la Shoah?

Votre foi connaît la tourmente. Vous êtes à une croisée des chemins, où viennent
se heurter des tensions profondes de votre existence, la quête des vôtres et
de leur destin, l’horreur et le scandale de la Shoah, la possibilité de continuer
à croire en Dieu après AuschwitzŸ.
Je veux d’abord vous dire des pensées amicales, en songeant au séisme qui vous
frappe. Vous avez raison de souhaiter parler à votre pasteur, à une personne
susceptible de vous accueillir et de vous écouter. La confiance en cette personne
compte plus que votre peur de ne pas vous faire comprendre. Accueillie avec
attention et chaleur, vous trouverez les mots. Ils sourdront de vous à la manière
d’une source venue des profondeurs, charriant la colère, le chagrin, la quête
de l’espérance envers et contre tout.
Quand la foi se confronte à la Shoah, c’est une épreuve. Croire après AuschwitzŸ
ne va pas de soi. Je veux partager la réflexion qui m’habite, sans prétendre
détenir le dernier mot sur ce sujet grave. Qui le détient d’ailleurs?
Les événements de la Shoah nous conduisent à réfléchir à notre compréhension
de la toute puissance de Dieu, car la Shoah fait naître l’horrible soupçon que
Dieu n’a alors rien pu ou voulu faire. Je me pose la question en ces termes:
comment se manifeste la puissance de Dieu lorsqu’il se révèle dans la personne d’un homme,
le Christ, entièrement voué aux autres au long de sa vie, entièrement donné
dans sa mort sur la Croix. Cette puissance est celle de l’amour. Elle ne signifie
pas l’impuissance de Dieu, mais sa présence comme force de vie au coeur de la
réalité et jusque dans la mort, comme puissance de résurrection. S’attacher
à cette force de l’amour, où Dieu s’est impliqué de la crèche à la croix et
à Pâques, force qui m’engage, me paraît un chemin de crête possible entre deux
attitudes, l’une consistant à déplorer le silence de Dieu, l’autre à attendre
qu’il arrange les choses. Ceci dit en toute modestie, dans la mémoire de l’indicible
vécu par les victimes de la Shoah.
(Je me suis inspiré d’une conférence du professeur Eric Fuchs, mémoire de malheur,
mémoire d’espéranceŸ, publiée à Genève en 1996 (Labor et Fides), dans un ouvrage
intitulé Les mémoires nécessaires; de Dieu à AuschwitzŸ).
Je cite encore deux ouvrages qui m’ont permis d’aborder ces questions:
- Etty Hillesum, une vie bouleversée, coll. Points Seuil. Etty Hillesum
est morte en camp de concentration.
- Sylvie Germain, Etty Hillesum, Pygmalion 1999.