La colère, un sentiment acceptable?
je suis actuellement une thérapie et la psychologue pense que j´ai en moi une colère profonde contre mes parents que je ne veux pas accepter. C´est vrai que mes parents ont fait des erreurs dans mon éducation, mais je ne pense pas avoir de la colère. Ma question est la suivante : la colère est-elle un sentiment acceptable pour un chrétien ? A-t-on "le droit" ou meme éventuellement parfois "le devoir" de ressentir de la colère ? Comment la recannaitre et la surpasser ?
Pourriez-vous me donner votre avis, et également me recommander un ou plusieurs livres sur ce sujet ? Je vous remercie d´avance et souhaite à toute l´équipe de Question Dieu une très bonne année 2012,
Bonjour,
Non seulement la colère peut être un sentiment acceptable pour les chrétiens, mais cela peut être sain que de se mettre en colère au lieu de refouler ce sentiment, ce qui risque de provoquer une colère rentrée très malsaine! Qu'entend-on par colère ? Il ne s'agit pas de la colère agie qui se transforme en violence (parfois même au nom de Dieu! chez les fanatiques religieux!). Là , cela ne peut que se transformer en succession de violences sans fin...
La colère est toujours vécue dans la elation et est avant tout acte de parole: par la colère je me reconnais victime d'une injustice ou d'une violence faite à mon égard et je refuse de "laisser passer" en m'écrasant simplement! Il y va de ma dignité. Je peux alors exprimer ce sentiment d'injustice et mettre à distance mon "bourreau" sans confusion malsaine. Dans le cas idéal, la colère ainsi exprimée a pour but de maintenir la relation par delà la brisure due à l'injustice ressentie...et peut dboucher alors sur le pardon, mais un pardon qui prend en compte l'acte subi et non un pardon "a priori" qui risque d'être un vernis. Au niveau politique, les prophètes et à leur suite Jésus, se sont mis en colère contre les injustices commises contre les plus faibles ou contre l'accaparemmment égoïste du pouvoir politioque ou religieux par un petit nombre. Peut-être que les chrétiens ne sont plus guère entendus sur la place publique car ils ont émoussé cette colère?
Voici un très beau livre de Lytta Basset sur ce thème (avec une recension sur le site "Culture et foi"):
FÉVRIER 2004
Lytta Basset, Sainte colère. Jacob, Job, Jésus, Genève/Paris, Labor et Fides/Bayard, 2002, 326 pages.
Traditionnellement, la colère a mauvaise presse dans le christianisme. N’est-elle pas l’un des sept péchés capitaux? Ne s’agit-il pas d’une passion néfaste et destructrice? Le plus récent livre de Lytta Basset, intitulé Sainte colère, présente une réflexion qui dépasse de loin ces conceptions habituelles en se fondant sur une interprétation vivante et vivifiante de plusieurs textes de la Bible : l’histoire de Caïn et Abel, le cycle de Jacob, le livre de Job, et quelques extraits des évangiles.
Dans la Bible, la colère n’est pas censurée. Chez les personnages qui l’expriment, elle semble reliée à la recherche et à l’affirmation de l’identité propre et de la vérité de l’être de chacun.
Job laisse monter sa colère devant l’injustice et les souffrances qu’il subit, et il ose se tourner ainsi vers Dieu. Loin de condamner les reproches de Job à son égard, Dieu l’encourage pratiquement à l’invectiver plutôt que de tuer une autre personne.
Caïn, au contraire, n’avait pas osé s’en prendre à Dieu d’avoir refusé son offrande, et s’est attaqué à son frère. Dieu seul peut soutenir sans en être brisé l’expression directe de la souffrance et du sentiment d’impuissance qui nous habite.
Jacob ne luttera-t-il pas toute la nuit avec un personnage mystérieux, soit l’ange du Seigneur, soit le Seigneur lui-même? Au terme de cette lutte, Jacob recevra enfin son vrai nom, exprimant une identité personnelle défusionnée, enfin libérée des conflits et des manipulations de ses relations familiales.
Paradoxalement, l’expression authentique de la colère est nécessaire pour éviter d’en venir à la rupture des relations interpersonnelles. La bénédiction de Dieu se reçoit dans l’acceptation de son unicité et de sa vulnérabilité (la blessure à la cuisse de Jacob/Israël), il n’aurait au fond jamais eu besoin de tenter de la dérober.
Il y a donc une dimension saine et salutaire à la colère. Mais qu’est-ce qu’une « sainte colère »? « Une sainte colère est donc AUTRE qu’une colère humaine spontanée; elle cherche la ressemblance avec la colère de Dieu, sans prétendre y parvenir » (p. 247). Ceci signifie qu’elle refuse de s’approprier la colère de Dieu, qui demeure un mystère aux yeux humains.
Une sainte colère renonce à la victimisation et à la recherche de boucs-émissaires. Elle associe le courage de la vérité au désir persistant de maintenir ouvert l’espace de la relation. La sainte colère ne s’avérera féconde qu’en vertu de l’amour profond qui l’anime.
Sophie Tremblay
N.B. On peut lire dans nos «Textes libérateurs » deux extraits de ce livre:
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Présenter l'autre joue - une exégèse de Lytta Basset.
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Qu'est-ce qu'une sainte colère ? Le droit à l'indignation, à la colère même dans nos rapports avec Dieu, ... ou avec l'Église.