Pourquoi donner à qui a déjà et enlever à qui n'a presque rien?
Madame, Monsieur,
Je n'ai jamais compris ou admis (même si j'ai pu le vérifier dans la vie à maintes reprises) le verset 26: pourquoi ceux qui ont reçoivent plus encore et ceux qui n'ont rien perdent le peu qu'ils ont. Et dans ce verset, Jésus a l'air d'y souscrire. Merci de m'éclairer. Billie
C'est tout d'abord le propre d'une parabole de surprendre. Mais pourquoi Jésus veut-il nous surprendre avec son histoire des mines (puisque vous lisez cette parabole dans Luc 19 ; il s'agit de « talents » dans Mt 25) ? D'abord pour nous inviter – en l'absence du maître – à renoncer au conservatisme et à faire fructifier ce que nous avons reçu – et ne cessons de recevoir – de ce même maître. Ensuite, Jésus veut nous inciter à ne pas nous faire de fausse image de ce maître. Il n'est pas un maître sévère, qui injustement moissonnerait ce qu'il n'a pas semé. Si on le considère ainsi, on ne peut qu'être jugé selon l'image que l'on se fait de ce « dieu ». Il est au contraire un Dieu bon, qui pardonne : tout le reste de l'évangile le proclame assez. Enfin,, s'il est vrai que, selon la sagesse populaire, on donne bien souvent à celui qui a et, à celui qui n'a pas, on enlève même ce qu'il a, Jésus veut dire ici que le maître donnera sa mine à celui qui a montré qu'il savait faire fructifier ce qu'il avait reçu. Il n'a pas intérêt à la laisser entre les mains d'incapables ou de fainéants ou encore de couards. Reste un problème : qu'est-ce que ces mines ou ces talents dans la bouche de Jésus ? Ce ne peuvent être des biens matériels. Dès lors l'injustice est moins criante ! C'est la bonne nouvelle du royaume : la bonne nouvelle que Dieu veut régner sur nos vies pour les transformer de fond en combles.
Si cela vous intéresse, Graham Green a fait de cette parole scandaleuse de Jésus le coeur d'un de ses romans. Il s'agit du Docteur Fischer de Genève, paru en anglais en 1980, en français 1987 (Press Pocket). G.Green y montre comment un homme pauvre peut faire s'écrouler une société qui fonctionne selon le principe trop facilement admis qu'on donnera à celui qui a et enlèvera le peu qu'il a à celui qui n'a que peu.