Peut-on être chrétien hors de l'Institution?
je vous avoue être un peu saoulé par l'institution ecclésiale. J'ai l'impression que plutôt que d'accepter les marginaux et les personnes de milieux alternatifs (dont je fais partie)comme ils sont, celle-ci cherche à les mettre dans un moule et à conditionner leur expression de foi à l'image de l'institution. Alors que je me décide à quitter mon église locale on ne cesse de me rabâcher le verset de l'épître aux Hébreux qui dis: "n'abandonne pas ton assemblée". Or il me semble que dans son contexte ce verset est plutôt à prendre comme un encouragement à ne pas se dissocier complètement de ses frères et soeurs afin que ceux-ci restent une boussole pour nous. Il me semble y percevoir un appel à ne pas "couper la relation" (selon la définition du péché de Lytta Basset), plus qu'un verset de fondation pour l'institution ecclésiale à prendre de manière dogmatique...
Ma (mes) question(s) est celle-ci: Le fait de vivre hors institution et/ou de faire de tourisme ecclésial font-il un chrétien qui vit dans l'erreur? Est-il indispensable de vivre l'Eglise de manière institutionnalisé, ou y-a-t'il moyen de vivre l'Eglise de manière plus "organique" et moins organisée? Le fait de se retrouver autour d'un bon café de manière informelle et régulière, ou de bruncher tout en priant les uns pour les autres et en méditant la Bible, n'est-ce pas vivre l'Eglise aussi?
Le fait de vivre hors institution, pour l'avoir expérimenté déjà, ne fais pas que nous vivons coupé des autres, bien au contraire. Il me semble que les partages que j'ai sont plus profonds et plus vrais.

Bonjour,
Merci pour vos questions et de partager avec nous vos réflexions et interrogations. Je veux aussi pour être clair vous dire que je réponds bien sûr à titre personnel, mais aussi en tant que "pasteur", donc de l'intérieur d'une institution...
Pourtant, je partage en grande partie vos analyses, qui rejoignent aussi ce que beaucoup de nos contemporains peuvent vivre: ils se sentent croyants, chrétiens,ont une vie spirituelle et aussi une vie relationnelle avec d'autres personnes, mais ne se reconnaissent plus dans les Eglises institutionnelles qui ne répondent pas à leur attente. Dans votre questionnement, je trouve intéressant que vous mentionniez le fait que vous ne souhaitiez pas vivre votre foi de manière isolée: la dimension communautaire de partage, de prière commune, de souci les uns pour les autres est présente chez vous. Cela me semble important, car c'est souvent la défense du côté de l'Institution d'affirmer qu'on ne peut être chrétien sans relation aux autres, ce qui me semble en effet important dans le message évangélique, et de condamner comme "individualistes" tous ceux qui sortent de l'Institution, or votre questionnement montre bien que cette dimension communautaire où l'autre est vu comme une "boussole" n'est pas l'apanage de l'Eglise institutionnelle. Je ne crois pas d'ailleurs que Jésus ait voulu fonder une Eglise (au sens institutionnel), lui qui était si critique vis à vis des institutions religieuses de son époque! L'institutionalisation de l'Eglise, puis ensuite son lien avec l'Etat et la "fonctionnarisation des ministères" est un processus historique lent pour que le message du Christ puisse être porté sur le long terme, mais a aussi profondément dévié de la teneur critique et mystique de ce message.
Donc, je répondrais positivement à l'ensemble de ce que vous dites, et je n'allèguerai pas la phrase d'Hébreux écrite dans un temps de persécution où il était tout particulièrement important de se serrer les coudes pour la survie de la communauté!
Alors, pourquoi, malgré tout, je reste dans l'Institution ? J'en vois bien ses limites, pourtant, personnellement, c'est grâce à cette Institution, ou du moins à l'intérieur d'elle, que j'ai pu entendre l'Evangile et y répondre... L'Institution permet aussi de se situer dans une histoire, avec tous ceux qui nous ont précédés et qui ont enrichi l'Eglise... Je me sens en lien avec eux dans la liturgie, dans le culte ou en lisant la Bible (qui vient aussi d'une certaine "instutionalisation" de par l'établissement du canon! ) J'en suis donc reconnaissant! J'ai un peu peur que sans cette dimension "institutionnelle" régulatrice, la dimension communautaire se transforme en club d'amis qui se choisissent, mais je le reconnais, nos Eglises sont menacées par cet aspect "club" et on ne peut pas dire qu'elles brillent par le mélange social ou l'acceptation des différences théologiques ou des manières de vivre alternatives!
Je serais donc critique vis à vis de l'Institution , mais à l'intérieur d'elle, avec distance et humour, mais aussi solidarité! C'est ma manière de me positionner..
Et quand qqn vient me voir avec l'idée de "sortir de l'Eglise", je ne peux m'empêcher de penser que c'est bien dommage pour l'Eglise, pour l'Institution, de perdre une personne qui aurait pu la ranimer ou apporter sa pierre à sa construction!!