Pourquoi le lavement des pieds n’est-il pas pratiqué dans les Églises réformées?
J'aimerais savoir pourquoi le lavement des pieds n'est pas pratiqué dans les Eglises réformées.
Puisque les réformés se targuent d'avoir réduit le nombre de sacrements aux gestes effectués par Jésus, pourquoi ne pas avoir joint le lavement de pieds à la Cène et au baptême?
J'ai vu un extrait de Calvin sur Wikipédia qui se moque de cette pratique catholique, mais je ne comprends pas vraiment en quoi elle diffère de la Cène par exemple.
Je trouve que c'est une belle pratique.
Merci pour votre éclairage!
Cordialement,
Lauriane
Bonjour Lauriane,
Vous avez raison : le lavement des pieds n’est pas considéré comme un sacrement, ni pratiqué en général, dans les Églises de la Réforme. Luther considérait que des sept sacrements que compte l’Église catholique (et dont le lavement des pieds ne fait pas partie !) seuls le baptême et la cène pouvaient être retenus parce que ce sont les seuls qui se basent sur un commandement explicite du Seigneur (« un signe divinement institué revêtant la promesse du pardon », dans le texte). Les autres réformateurs du XVIe siècle, et les Églises qui ont été marquées par leur enseignement, l’ont suivi.
Or c’est vrai, dans l’Évangile de Jean, après avoir lavé les pieds de ses disciples le soir du dernier repas, Jésus affirme : « C’est un exemple que je vous ai donné : ce que j’ai fait pour vous, faites-le vous aussi » (Jn 13,15). Pourquoi alors les protestants n’ont-ils alors pas introduit cette belle pratique dans leur ritualité, puisqu’un commandement du Seigneur l’institue ?
Selon les exégètes de ce passage biblique, Jésus, après avoir montré par son geste comment les disciples doivent agir, n’exige pas qu’ils répètent le geste lui-même mais qu’ils actualisent ce que ce geste signifie : à savoir le service dans la vie quotidienne du monde par le don de soi. Le lavement des pieds n’est pas un geste « expiatoire », mais le résumé de toute la vie de Jésus au service des autres.
À la différence du commandement « Faites cela en mémoire de moi » (Lc 22,19) au moment de la cène, lequel a un caractère cultuel, Jean 13 a par contre une portée éthique.
Les protestants craignent qu’en imitant servilement et de manière presque puérile un tel geste du Seigneur dans le contexte cultuel, ils le dénaturent en lui faisant perdre sa teneur proprement sociale et éthique. Mais il n’est pas exclu que des considérations moins nobles (et peut-être inconscientes) soient aussi à la base de l’oubli de cette pratique : un certain mépris du corps par exemple.
Cela dit, il est surprenant de noter que Zwingli prévoit, dans sa liturgie de sainte cène de 1525, qu’on lise le récit de Jean 13 pendant la communion...