Les explications scientifiques éliminent-elles Dieu ?
feu qui me reste et qui ne demande qu'à grandir?
Chris
Je vous remercie pour votre question très claire et fort intéressante; elle
mériterait évidemment des développements importants, mais je vais essayer d'y
répondre en quelques phrases dans la perspective que vous puissiez poursuivre
votre réflexion.
Je précise d'emblée que j'ai une double formation : physicien et théologien.
Par conséquent, votre question a été la mienne bien souvent et j'ai tenté de
clarifier le débat pour moi d'abord, puis pour d'autres, notamment en étudiant
et en enseignant l'épistémologie des sciences, c'est-à-dire cette discipline qui
analyse les méthodes, les langages, les structures des sciences.
Expliquer (du latin explicare, qui signifie déplier, déployer) est une exigence
de notre intelligence qui consiste à mettre de l'ordre dans l'ensemble disparate
des choses, de relier des phénomènes notamment par des relations de cause à
effet (mais pas seulement, car les modalités de l'explication sont nombreuses
et variées) Expliquer est effectivement une des grandes réussites des sciences
modernes. Non seulement dans leur capacité à répondre à nos questions mais aussi
par la possibilité qu'elles ont ouverte à prédire les phénomènes et à agir et à
transformer notre environnement. Ainsi, comme vous le dites, le discours scientifique
s'est peu à peu et avec raison substitué à celui du discours magique, voire
des discours mythiques et théologiques, où les dieux ou Dieu servaient d'explication
pour tout ce qui étonnait, tout ce qui restait inexpliqué par le bon sens. Le
revers de cette belle médaille est que l'on a conféré un pouvoir d'explication
quasi absolu aux sciences, et ces dieux-là ont été rangé dans l'armoire des superstitions.
Tant mieux car je crois que Dieu est justement tout autre que notre explication.
Or la question qui se pose ici est de savoir si tout se réduit au langage scientifique.
Je réponds bien sûr : non. Dès lors, il s'agit de savoir ce qui est le propre
du langage scientifique, ce qui est le propre d'un langage poétique, théologique,
etc. Autrement dit, notre façon de rendre compte du réel, y compris de l'expérience
humaine, ne se réduit pas au seul langage scientifique, mais requière une diversité
de langages. Or c'est à les confondre (comme le fait Albert Jaccard dans son
dernier livre Dieu ?) que naît la confusion et donc l'incompréhension.
En bonne théologie, Dieu ne peut servir d'explication. Car Dieu n'est pas un
objet d'analyse entre nos mains soumis à notre intelligence. Dieu ne peut se
prouver. Que serait un Dieu démontrable ? Un petit dieu à notre dimension, à
notre image !
Alors quel langage, pour dire néanmoins Dieu et son " action " ? Essentiellement
le langage symbolique et poétique. Pour faire saisir cela, je vous donne quelques
exemples, certes un peu simples, mais que j'espère éclairants.
A mon quatrième doigt de la main gauche, j'ai un objet. Un anneau ou une alliance
? En scientifique, je répondrai un anneau d'alliage d'or et de cuivre, qui a
un diamètre de 22 mm, qui pèse, etc. Mais en tant qu'homme marié appartenant
à la société occidentale, je dirai une alliance, symbole de la relation qui me lie
à mon épouse. Ces deux façons de parler sont vraies toutes les deux et ne s'excluent
pas. Tout dépend de quoi on veut parler, de notre grille de lecture. Si je donne
une rose à celle que j'aime en signe d'amour, je serai fort étonné qu'elle en mette
les pétales sous le microscope pour en découvrir la vérité. Pour ressentir la
beauté d'une oeuvre musicale, les explications physiques sur les ondes acoustiques
ne me seront guère utiles, même si la physique contribuera à ce que la musique
soit de qualité ! De même quand je dis : Dieu donne la pluie, Dieu est l'auteur
de ces montagnes qui m'émerveillent, Dieu m'a donné la vie, etc. Je ne suis
pas en train d'en donner la cause ou d'expliquer leur advenue, mais de dire une
reconnaissance à Dieu qui donne sens à ma vie, au monde. Je suis en train, avec
d'autres, de donner un sens à ce monde dans l'ordre du don et de la relation.
Comme j'accueille l'amour de l'autre et y répond par un geste, une parole, un symbole,
je ne peux dire Dieu -que je ne vois pas- que de façon symbolique. Mon explication
de la nature ne peut pas se substituer à mon émerveillement, ni l'éliminer.
L'un et l'autre sont possibles et nécessaires à notre vie. La vérité du langage
symbolique n'est pas moindre que celle du langage scientifique, mais peut-être
moins univoque, voire plus créatif.
Dans cette perspective, les récits bibliques de création ne peuvent pas être
lus comme des textes explicatifs ou scientifiques sur la formation du monde.
Ce serait en perdre la force de sens, leur message.
Je suis prêt à continuer le dialogue si vous le désirez.
Roland Benz
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