Quelles divergences et convergences entre Bullinger et Calvin ?

Entre Bullinger, le successeur de Calvin à Zurich, et Calvin, le réformateur de Genève, les divergences les plus connues ont lieu à propos de la Cène. Dans son Petit traité de la Sainte Cène écrit à Strasbourg, Calvin cherche une position médiane et conciliatrice entre la position de Zwingli et celle de Luther, entre l’affirmation que le pain et le vin ne sont que des « signes » et celle qu’en les recevant les fidèles « participent » vraiment au corps et au sang de Jésus. Bullinger reste lui fidèle à la position zwinglienne. Dans le Consensus Tigurinus (accord de Zurich) de 1549, Bullinger et Calvin trouvent un compromis où, en gros, une position zurichoise modérée l’emporte sur les compromis boiteux tentés par Calvin.

Une autre divergence réside dans la compréhension des rapports entre l’Église et l’État. Si à Genève, il y a « deux juridictions », à Zurich prévaut le régime de la « sphère unique ». Cela signifie qu’à Genève, le monde politique et la direction de l’Église sont relativement séparés alors qu’à Zurich le magistrat dirige l’Église. A noter que le système de la « sphère unique » prévaudra longtemps dans le monde réformé partout où le « prince » n’est pas d’une autre confession. Il y a par exemple là une nette différence de sensibilité jusqu’à aujourd’hui entre genevois et vaudois en Suisse romande…

Selon certains théologiens, la théologie de l’alliance que l’on trouve chez Calvin serait due à l’influence directe de Bullinger dont le traité à ce propos date de 1534 déjà. Par ailleurs l’influence zwinglienne de Bullinger sur le protestantisme réformé sera à certains titres plus importante que celle de Calvin. Ainsi la Confession helvétique postérieure de 1566 rédigée sous l’influence de Bullinger, fidèle disciple de Zwingli, eut-elle une influence bien plus considérable et durable non seulement sur les Eglises suisses, mais aussi françaises que l’Institution de la Religion Chrétienne. Ce furent aussi les Décades de Bullinger (Cinquantes sermons doctrinaux) ou ses cents sermons sur l’Apocalypse qui influencèrent le protestantisme réformé jusque dans le Nouveau Monde, bien plus que l’Institution.