Être chrétien interdit-il d’avoir droit au bonheur et à l’amour?
Si je vous écris c'est parce que je sens que je perd la foi et je n'arrive pas à me raccrocher à quoi que ce soit. Sauf la prière, je prie beaucoup, c'est la seule chose qui me fait du bien. Je n'arrive plus à lire la Bible que pourtant j’avais plaisir à étudier en long et en large. Je m'ennuie au culte, je ne supporte plus la présence de mes frères et soeurs chrétiens, ni leurs discussions. Je n'ai même plusnevie de les voir.
Ce qui a déclenché cette crise de foi, c'est parce que à 48 ans je n'ai jamais été heureuse en mariage. Mon ex mari était buveur violent menteur voleur et infidèle. Puis je me suis convertie, et j'ai réussi à m'affranchir de toute cette violence grâce à Dieu.
J'ai vécu 7 ans de célibat pendant lequel j'ai tout simplement ignoré les hommes. j'étais à fond dans la foi, prière étude, évangélisation.
Suite à ces 7 ans, je suis tombée amoureuse d'un frère qui a soufflé le chaud et le froid pendant des mois avant de me dire que j'avais tout imaginé. Cette situation m'a déjà beaucoup blessée. Il m'a demandé pardon et j'ai tourné la page.
A peine deux mois après j'ai rencontré un homme au travail qui s'est épris de moi. J'ai accepté de le voir et pour la première fois depuis toutes ces années j'ai laissé un homme me prendre dans ses bras. Il était amoureux, empressé, il me voulait, c'était passionnel. Mais par peur de pécher, j'ai refusé et je l'ai quitté. Je ne lui ai laissé aucune chance, je n'ai pas pris la peine d'en parler avec lui alors même qu'il m'avait dit qu'il était d'accord pour attendre. Je n'avais pas prévu que cette rupture serait la première étape de ma descente aux enfers. Je me suis infligée la pire souffrance de toute ma vie. A l'instant où j'ai prononcé cette phrase maudite, on arrête, j'ai senti quelque chose de sombre tomber sur moi, une sensation de mort. Et je l'ai vu souffrir lui aussi, il ne se rasait plus, arrivait en retard au travail, il avait l'air vraiment mal. Mais il a refusé de me parler jusqu'à ce que je quitte l'entreprise.
Depuis il me semble que ma foi est morte. Je n'assume pas ce geste et je le regrette. Je regrette d’avoir voulu obéir à Dieu. Pour quel résultat? Pour souffrir? et me retrouver encore seule pour combien d'année? C'est ça être chrétienne? c'est n'avoir pas droit au bonheur et à l'amour parce que dans l'église on lui donne des noms horribles tels que fornication, débauche?
Je me rends compte que j'ai vécu à huis clos avec l'église pendant presque 8 ans. Je ne la supporte plus.
J’étouffe dans l'église, je ne supporte plus cette doctrine qui interdit les relations amoureuses en dehors du mariage. Je la perçois comme un mensonge, une oppression, une castration de ceux qui n'ont pas la chance d'être mariés. C'est injuste..
Je refuse de croire en un Dieu castrateur. Où c'est écrit dans la Bible que les célibataires doivent se soumettre à une vie d'abstinence non choisie? C'est la double peine. Marie toi ou crève. Et qu'on ne vienne pas me dire qu'on peut être célibataire et heureux parce que je casse tout.
Je n'arrive même pas à donner un sens à ce qui m'est arrivé. Je ne veux plus obéir à Dieu, parce que finalement qui est là avec moi quand je pleure seule la nuit?
Pourquoi Dieu ne veut pas que je sois heureuse?
Je mesure votre douleur, qui est en effet immense, et ne voudrais pas donner l’impression de vous répondre de manière distante.
Je suis moi-même célibataire, dans une communauté, et j’ai choisi cette condition en raison du Christ et de l’Évangile. Mais cela ne peut être qu’un choix libre, jamais une obligation à laquelle on se trouve contraint. Vous faites donc bien à vous révolter contre ce que vous considérez à juste titre être un tort qu’on vous infligerait.
Pour commencer par votre toute dernière question, je veux vous assurer de cela : Dieu nous veux heureux ! Et que nous le sachions ou non, il est là pour nous écouter lorsque nous croyons être seuls à pleurer dans la nuit. « Dieu nous conduira aux sources d'eau vive et essuiera toute larme de nos yeux » : voilà la promesse, déjà actuelle, que répète à deux reprises le dernier livre de la Bible (Ap 7,17 et 21,4). C’est à nous qu’il revient de croire à cette consolation et à ce bonheur que Dieu promet !
Mais vous avez encore raison, ce bonheur passe notamment par l’amour partagé entre un homme et une femme, par l’accomplissement de la vie de couple, que Dieu lui-même bénit (voir Gn 1,27-28). Jamais d’ailleurs la Bible ne limite l’amour à la condition conjugale.
Le message biblique n’est pas un message castrateur, mais un appel à la vie. Ce n’est pas une législation rigoriste, mais un élan de vie. Et cette vie doit se déployer dans toutes ses dimensions. Elle n’a pas à se laisser enfermer dans des peurs que certains entretiennent. Renoncer au bonheur partagé et à un amour de couple possible, en plus de représenter une souffrance pour les personnes, constitue une contradiction au message central même que l’Église transmet. Ce n’est jamais ce à quoi l’Évangile appelle ceux et celles qui veulent le mettre ne pratique.
Aimer ne peut jamais être un péché. C’est bien au contraire le « grand commandement » (voir Mt 22,37-39). Souvenons-nous alors du conseil d’un chrétien du IVe siècle, Augustin, qui a lui aussi connu les affres de la vie amoureuse dans sa jeunesse : « Aime, et fais ce que tu veux ! »
Oui, la loi de l’amour est qu’elle libère ceux qui la vivent, elle ne les contraint jamais à se tourner vers les chemins de mort, mais elle les pousse toujours vers le bonheur avec les autres.
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