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Le suicide, un péché ?

02.12.2003 Thème : Éthique: choix, responsabilité, liberté et morale Bookmark and Share
Réponse de : Jean-Charles BichetJean-Charles Bichet
Cher Sullivan,

Pour répondre correctement à votre question, il faudrait que nous commencions
par bien nous mettre bien d'accord sur la notion de péché.
Le problème justement, c'est qu'on fait très souvent l'association d'idées suivante
: péché = faute = mal = Dieu en colère = punition.

Mais ce genre d'association d'idées peut entraîner des conséquences désastreuses.
Plutôt que de faire mentalement le lien entre le péché, un Dieu fâché et une
menace de punition, il nous faut bien comprendre que le péché, c'est avant tout
une coupure de notre relation avec un Dieu qui tient à se présenter à nous comme
source de vie et d'amour. Cette coupure de relation se manifeste dans quatre
directions ; c'est ainsi que je suis pécheur en ce que :

1. Ma relation avec Dieu pourrait être meilleure (Je mesure mon amour pour lui,
alors qu'il m'aime sans mesure) ;
2. Je n'ai pas toujours une bonne relation avec moi-même (Je suis déprimé, je
me trouve nul, je me déteste, je me prends même en horreur) ;
3. Je n'ai pas toujours une bonne relation avec mon entourage (Je ne témoigne
pas à l'égard des autres l'amour que je pourrais leur donner ; je ne me rends
pas non plus toujours bien compte de l'affection qu'ils me témoignent) ;
4. Ma relation avec le monde, l'univers, la nature, pourrait être meilleure
aussi (Je ne traite pas toujours les plantes ou les animaux avec le respect
qui leur est dû, par exemple.)

Tous les matins, je bois le café avec un ami qui a fait une tentative de suicide
et qui a été hospitalisé très longtemps. Nous sommes d'accord pour dire que,
oui, le suicide est un péché, en ce sens que la personne qui se suicide est
amenée à le faire parce qu'elle se trouve dans un état de détresse telle qu'elle
ne voit pas d'autre solution. En se tuant, la personne se traite elle-même avec
une violence extrême, comme si elle ne s'aimait plus, comme si elle avait perdu
tout élan, tout entrain, tout désir de vivre. Elle porte ainsi un jugement très négatif
sur elle-même. Or le message biblique nous invite à ne pas nous laisser démolir
par l'autocritique : "Si notre coeur nous accuse, Dieu est plus grand que notre
coeur et il voit tout." (1ère lettre de saint Jean 3,20).

Le suicide d'une personne est l'un des signes que notre monde souffre, qu'il
ne va pas bien, qu'il y a un problème, quelque chose qui ne va pas, qui "ne
tourne pas rond". C'est, comme le meurtre ou la peine de mort, le fait de supprimer
une vie, de disposer d'une vie (même si c'est la sienne), quelque chose qui ne devrait
pas se produire.

Au siècle dernier, certains chrétiens considéraient même les personnes suicidées
comme des criminels. On n'en est plus là. Les progrès de la médecine, de la
psychologie (et de la théologie aussi !) nous ont appris que les personnes qui
mettent fin à leur jours ne sont en fait pas responsables de leur acte, parce
qu'elles se trouvent tellement diminuées, dans un état tel qu'elles ne peuvent
pas être tenues pour responsables. Le suicide est le résultat d'un long processus,
celui de la perte du désir de vivre. Pour cette raison, le suicide est un péché,
non pas parce que la personne qui met fin à ses jours commettrait une faute,
mais parce qu'elle souffre de ne plus pouvoir vivre.

Il faut bien expliquer que nous ne ne portons aucune espèce de jugement sur
les personnes qui mettent fin à leurs jours, ni sur leur entourage. Mais il
est tout aussi important de rappeler que le suicide n'est jamais une solution
qui correspondrait à la volonté de Dieu, qui désire avant tout que nous découvrions
le bonheur de vivre à sa lumière. C'est pourquoi je crois que le Seigneur éprouve
une très grande miséricorde envers les suicidés, qu'il les accueille dans ses
bras. Comme l'écrit saint Paul dans sa lettre aux Romains : "Ni la mort, ni
la vie... rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus-
Christ notre Seigneur." (Romains 8,38-39.)

Cher Sullivan, si tout va mal depuis quelques temps, si l'on songe à disparaître,
il ne faut surtout pas rester seul avec ces pensées tristes ou ces idées noires.
Il est vital d'en pouvoir parler avec quelqu'un : un pasteur, un prêtre, un
médecin, quelqu'un qu'on aime bien. Il n'y a aucune honte à demander de l'aide. Car
la vie d'aujourd'hui est dure, même très dure, pour tout le monde.

Nous avons besoin de vivre en relation les uns avec les autres, de communiquer.
Le Seigneur, lui aussi, désire vivre en relation avec nous, et si nous le lui
demandons, il peut aussi nous aider à vivre, à voir le bout du tunnel, car il
a promis de ne jamais nous laisser tomber. Et oser demander de l'aide, demander
à se faire aider, c'est aussi une manière de vivre en relation avec Dieu, avec
soi-même, avec son entourage, avec le monde.

Bien amicalement.




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