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Qu'est-ce que les "sola" du protestantisme ?

Aude 12.06.2008 Thème : Protestantisme Bookmark and Share
Réponse de : Jean-Denis KraegeJean-Denis Kraege

        Chère Aude, permets moi d’admirer ta précocité : à dix ans poser des questions aussi pointues force mon admiration ! Il me faut alors expliquer à certains adultes qui liront ces lignes à quoi tu fais allusion.

        On résume souvent certains grands principes des Réformes protestantes par des mots d’ordre. Pour faire un peu savant on le dit en latin, la langue dans laquelle écrivaient volontiers les Réformateurs dans leurs écrits strictement théologiques. Ainsi il y a le principe de l’Écriture seule : la Bible est pour les protestants le seul accès à la Parole de Dieu (à l’exclusion des traditions religieuses, de l’enseignement de l’Église et de révélations spéciales que certains auraient reçues). Il y a aussi le principe de la foi seule : on est juste aux yeux de Dieu (et de soi-même), lorsqu’on fait confiance à la parole qu’Il nous a dite en Jésus et dans laquelle il nous affirme que nous valons infiniment à ses yeux indépendamment de nos mérites et qualités. Seule la foi nous donne la certitude du salut et non les œuvres que nous ferions pas plus du reste que la foi + les œuvres. Il y aussi le principe selon lequel nous sommes sauvés par pure grâce (sola gratia). Cela signifie que c’est gratuitement qu’en Jésus Dieu a rétabli les liens avec nous. Nous n’avons rien et ne pouvons rien faire pour entrer en relation avec Dieu. Là aussi la grâce est exclusive par rapport aux « œuvres de la loi ». Tu vois donc que le sola fide consiste à faire confiance à cette parole qui nous affirme que nous sommes sauvés ou justifiés par pure grâce, sans qu’aucun mérite de notre part soit nécessaire. Ce lien te permet alors de découvrir pourquoi ces deux principes excluent tous deux les œuvres, les efforts et les mérites des humains. Luther parle aussi du fait que nous ne pouvons connaître Dieu – entrer en relation avec Lui – que solo Christo. Il veut dire que nous ne pouvons connaître Dieu (et nous-mêmes) qu’au travers du Christ. Il n’y a pas de connaissance naturelle de Dieu par l’homme pécheur et toutes les autres religions ont tort de prétendre qu’il y a d’autres intermédiaires entre Dieu et nous que Jésus-Christ ! Enfin, Calvin avait fait sa devise d’une expression comportant aussi un solus : Soli Deo gloria : A Dieu seul la gloire ! Ici c’est la gloire accordée aux humains, à soi-même, à d’autres réalités mises sur un piédestal, idolâtrées qui est visée.

        Les Réformateurs n’ont, à ma connaissance, jamais dit qu’il fallait adhérer à trois, quatre ou cinq de ces soli. Chaque personne qui réfléchit sa foi est en droit de les hiérarchiser. Personnellement ils me plaisent tous et j’y adhère volontiers. Je pourrais comprendre que d’autres croyants prennent quelques distances avec l’un de ces soli. Ce serait une excellente occasion de croiser le fer sur un ou des points essentiels. Certains protestants renoncent effectivement au solo Christo lorsqu’ils affirment que l’on peut connaître Dieu certes au travers de Jésus-Christ, mais aussi au travers d’autres médiateurs. D’autres ne sont pas très conséquents avec le principe sola scriptura : ils attribuent autant d’importance à certaines révélations de l’Esprit qui contredisent ce qu’affirme l’Écriture qu’à l’Écriture. D’autres ne sont pas conséquent avec le sola gratia et le sola fide lorsqu’ils affirment implicitement ou explicitement que l’on est justifié par la foi et les œuvres ou lorsqu’ils font de la foi une œuvre…



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