Pourquoi une malédiction si terrible sur Judas ?

        Phrase effectivement très difficile dans la bouche de celui qui est venu faire grâce, pardonner gratuitement ! Elle est pourtant compréhensible – sinon acceptable -  si on la replace dans un double contexte.

        Il semble d’abord que cette exagération soit assez courante dans le christianisme primitif. On la retrouve dans la première épître de Clément (46.8) qui fait dire au Seigneur : « Malheur à cet homme. Il vaudrait mieux qu’il ne soit pas né plutôt que de scandaliser un seul de mes élus. Mieux vaudrait pour lui se voir passer autour du cou une pierre à moudre et se voir jeté dans la mer que de pervertir un seul de mes élus» ! Toute la fin est une citation de Lc 17.1-3.Par ailleurs, le même évangile de Marc affirme en 2.28-9 que « tout sera pardonné aux fils des hommes, péchés et blasphèmes autant qu’ils en auront proférés ; mais quiconque blasphème contre l’Esprit saint n’obtiendra jamais de pardon : il est coupable d’un péché éternel ». Ce passage est expliqué à plusieurs reprises ailleurs sur notre site. Ici comme en 14.21, celui qui s’exclut de la communion avec l’Esprit du Christ se condamne lui-même à la « perdition ».

        Il convient ensuite de replacer ce texte dans son contexte proche au sein de l’évangile de Marc. Le début de 14.21 affirme, en effet, après l’annonce de la trahison par l’un des douze : « Le Fils de l’homme s’en va, selon ce qui est écrit de lui ». Si Marc ou Jésus en était resté là, on aurait pu comprendre que Jésus affirmait que Judas n’était que l’instrument irresponsable de la volonté divine. En ajoutant la fin du v.21, l’auteur ou Jésus signifie que la responsabilité de Judas et des humains est pleinement engagée. On ne peut se réfugier derrière la volonté divine pour justifier quelque action contestable ou franchement inacceptable que ce soit.

        Jésus affirme donc qu’on ne peut justifier la trahison de Judas. Il en est responsable, même si cela entre dans le plan de Dieu ; il s’exclut lui-même de la communion avec le Christ et avec Dieu ; il se condamne par là-même à la perdition comme tous ceux qui rejettent celui qui pardonne.