Un enfant abandonné peut-il aimer Dieu ?

Cher Monsieur,

Votre question me touche d'autant plus que je suis moi-même "papa de coeur"
d'un gosse abandonné par ses deux parents, qui est maintenant adolescent, et
que j'accueille de temps à autre dans ma maison. Il ne croit pas en Dieu et
me l'a dit franchement, ainsi qu'à mon épouse et à notre fille. Pour quelle raison
lui en voudrions-nous ?

L'abandon d'un enfant est une des formes les plus graves de la maltraitance.
Comme les abus sexuels, cette maltraitance marque à jamais l'enfant, qui doit
grandir et vivre avec cette blessure extrêmement profonde.

Le premier réflexe, c'est de penser qu'en donnant suffisamment d'amour à un
enfant abandonné, nous pourrions l'amener à découvrir l'amour de Dieu. Mais
c'est un désir que nous devons éviter de prendre pour une réalité. ça ne marche
pas comme ça. Certains spécialistes de la psychologie enfantine, d'ailleurs,
mettent en garde les couples candidats à l'accueil d'enfants en détresse : le
risque est grand que l'enfant n'ait pas les moyens de rendre à sa nouvelle famille
l'affection qu'elle lui porte. Si on cherche d'emblée à être aimé en retour, il
faut s'attendre à être déçu.

Que faire alors ? Eh bien ! C'est de continuer à aimer cet enfant malgré tout,
à le prendre comme il est avec sa blessure, avec sa révolte, avec son angoisse
d'être abandonné une nouvelle fois, avec son incrédulité aussi. Essayer de lui
dire, en y mettant les formes bien sûr, que s'il ne croit pas en Dieu, le Seigneur
ne le laisse pas tomber. Lui transmettre, non pas comme un argument biblique
(il s'en fiche), mais comme un témoignage de notre part (qui montre que nous
prenons sa souffrance au sérieux), ces versets du livre d'Ésaïe :
"Est-ce qu'une femme oublie le bébé qu'elle allaite ?
"Est-ce qu'elle cesse de montrer sa tendresse à l'enfant qu'elle a porté ?
"Même si elle l'oubliait,
"Moi, Je ne t'oublierai jamais." (Ésaïe 49, verset 15.)

Ce que nous pouvons faire aussi, c'est prier pour cet enfant, en demandant constamment
à Dieu qu'il s'en occupe tout particulièrement, parce que nous sommes trop faibles
et trop limités. Cela suppose que nous fassions confiance à Dieu, que nous croyions
vraiment à la puissance de son amour, et que nous désirions de tout notre coeur
que cet enfant puisse découvrir cet amour lui aussi.

Bien amicalement.