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Ashéra (suite) ? + Interprétation de la tempête apaisée ?

19.01.2004 Thème : Bible: ce que disent les textes Bookmark and Share
Réponse de : Jean-Charles BichetJean-Charles Bichet
Bonjour Rébecca,

J'admire et partage votre intérêt pour les sciences bibliques. En ce qui concerne
Ashéra, la parèdre (c'est le terme employé par les spécialistes) de YHWH, je
suis tout à fait d'accord avec ce que ma collègue vous a répondu.

Par contre, je ne suis pas sûr de bien comprendre votre question concernant
Israël, l'épouse infidèle de Dieu. En Faculté de théologie, j'avais appris,
grâce aux leçons de feu le professeur Samuel Amsler, à faire la différence entre
le peuple d'Israël, à qui le Seigneur s'adresse toujours en employant des formes
nominales et verbales au masculin, et la terre d'Israël, que le Seigneur traite
par contre au féminin comme la ville de Jérusalem (les mots "terre" et "ville"
étant féminins en hébreu comme en français). J'ai eu l'occasion de travailler le
très beau texte d'Osée 2, oû le Seigneur attaque son épouse en justice ; il
s'agit là de la terre d'Israël, pas du peuple. Il est possible que mes connaissances
ne soient pas à jour, mais je ne crois pas qu'Israël ait supplanté Ashéra. D'ailleurs,
je n'ai pas appris (ou pas encore ??)que la déesse Ashéra (à ne pas confondre
avec la célèbre et "chaude" Ishtar, avait insisté mon prof de science des religions)
ait été infidèle à son époux...

Je dirais plutôt que le vocabulaire amoureux employé par le prophète Osée renvoie
à l'idée très ancienne d'un attachement particulier du Seigneur pour cette terre
qu'il a choisie. Un pays et une divinité, il me semble, ne sont pas deux réalités
de même ordre. La terre d'Israël, même élue de Dieu, n'a jamais accédé au rang
des divinités.

Cela dit, venons-en au récit de la tempête apaisée. Je comprends votre indignation,
votre refus d'aplatir cette histoire qui est tout de même extraordinaire. Expliquer
ce récit en répétant bêtement que Dieu est tout-puissant, cela ne nous apporte
personnellement pas grand-chose. Là, nous sommes bien d'accord.

J'aimerais vous proposer une autre interprétation, qui me paraît plus intéressante,
plus profonde que l'explication "tarte à la crème" par la toute-puissance de
Dieu.

Jésus dort dans la barque, cela veut dire que le Seigneur lui-même se confie
entre nos mains : il nous fait confiance et pense (de manière peut-être trop
optimiste) que nous sommes capables de maîtriser nos peurs et de les gérer.

Quelle image avons-nous de ce Dieu qui nous aide à gérer nos peurs ?

Pour s'endormir, il faut, nous le savons bien par expérience, bénéficier d'un
climat apaisant autour de soi. S'endormir, c'est faire une pause, quitter pour
un moment les réalités de notre monde. Si nous sommes angoissés par des problèmes
d'organisation, de travail urgent, de questions à résoudre, il nous sera impossible
de trouver le sommeil. Pour s'endormir dans un véhicule tel qu'une voiture,
un avion ou un petit bateau, il faut avoir confiance au conducteur ou au pilote.

C'est précisément le cas de Jésus, qui nous fait suffisamment confiance pour
se permettre de s'endormir de temps en temps parmi nous. Jésus nous traite en
adultes ; il considère que nous sommes assez grands pour mener la barque de
l'Église tout seuls, avec notre foi et nos moyens, si limités soient-ils.

Ainsi, nous n'avons pas besoin de l'appeler au secours pour tout et pour rien.
Ce serait de la puérilité de notre part. D'où la réaction de Jésus : "Vous n'avez
pas encore de foi ?"

Ce que nous pouvons retenir de cette magnifique histoire, c'est ceci : Jésus
nous rappelle qu'être chrétiens, c'est se comporter en adultes, se prendre réellement
en charge, prendre fermement la barre de l'Église, avec la foi qui nous est
accordée.

ça change de la toute-puissance "tarte à la crème" de Dieu, n'est-ce pas ?

Et même, je vous propose, toujours en relation avec le thème du Christ qui se
confie en nos mains, de découvrir l'étrange verset 22 du chapitre 15 de ce même
évangile de Marc, où Jésus est non pas "emmené", mais "porté" au lieu-dit Golgotha.
Non seulement Jésus n'a pas porté sa croix, mais il a dû être porté. Il a été réduit
à l'état d'objet. Peut-être les mauvais traitements avaient-ils fait de lui
une loque humaine. C'est dire que le Fils de Dieu. qui se montrait si confiant
en nous, a connu jusqu'au bout la faiblesse, la détresse humaines, et permettez-moi
le terme très religieux mais tout à fait approprié ici : la déréliction. On
est là aux antipodes de l'idée "tarte à la crème" d'un Dieu tout-puissant.

Mais c'est Jésus, c'est ce Fils de Dieu là que j'aime, le seul Dieu qui puisse
susciter en moi une telle admiration, une telle émotion, un tel attachement.

Je vous encourage fraternellement à poursuivre votre recherche. À bientôt peut-être,
pour une autre joute théologique...



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