Tu ne tueras pas et le péché

A strictement parler transgresser certains des dix commandements n'est pas un
péché! Je m'explique. On utilise au sens strict le mot "péché" dans bon nombre
de textes du Nouveau Testament pour désigner la désobéissance à ce que l'on
appelle la première table de la loi. La loi a en effet été donnée sous la forme
de deux tables: l'une concernant notre relation à Dieu (les 4 ou 5 premiers
commandements selon les traditions et les lectures) et l'autre concernant la
relation au prochain. Le péché au sens strict est la transgression de la première
table et plus particulièrement du premier commandement: "Tu n'auras pas d'autre
Dieu que moi". C'est pourquoi on peut dire que le contraire du péché, c'est
la foi et non la vertu (qui qualifie la bonne relation horizontale avec le prochain).
Ne pas respecter les 5 ou 6 derniers commandements, c'est une conséquence du
péché, c'est ce que l'on peut appeler faire le mal. Cette distinction est utile
lorsqu'on se demande comment remédier au mal que font si facilement les huma
ins. Une morale, une éthique n'y suffisent pas. Elles s'attaquent, en effet,
aux seules transgressions des 5-6 derniers commandements. Il faut atteindre
le mal plus à la racine, dans le non-respect du premier commandement développé
dans les 3-4 suivants, pour être efficace.

Concernant votre exemple, une autre précision s'impose. Le 6e commandement
doit se traduire non par "Tu ne tueras pas", mais par "Tu ne commettras pas
de meurtre". Le verbe hébreux utilisé est un verbe désignant le fait de tuer
délibérément quelqu'un. Par ailleurs, nous ne pouvons pas faire autrement que
de tuer pour vivre. Nous consommons de la vie (viande, plantes) pour survivre.
Tuer ne peut pas être pris dans l'absolu. Dès lors la réponse à votre question
est donnée: si quelqu'un veut me tuer, que je me défende et qu'il se produise
que l'autre soit tué, je ne l'ai pas fait délibérément. Certes il s'agit de
tout mettre en oeuvre pour ne pas avoir besoin d'en arriver là, mais on ne peut
pas considérer la réelle légitime défense comme un meurtre. J'aurai commis du mal.
Il m'appartiendra de tout mettre en oeuvre pour réparer autant que faire se
peut les dégats commis, mais je n'aurai pas à me sentir coupable parce que
je n'ai pas tué intentionnellement. Maintenant aurais-je mieux fait de me laisser
tuer plutôt que de tuer celui qui m'aggressait ? A chacun d'en décider personnellement
et selon les circonstances, mais je ne crois pas que le 6e commandement puisse
être utilisé pour faire de la non-violence un absolu.