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La lumière du soleil à la création est-elle spirituelle?

mérou 14.06.2013 Thème : Bible: ce que disent les textes Bookmark and Share
Réponse de : Daniel NeeserDaniel Neeser

Plusieurs réponses sont possibles.

La première réponse que je vous propose est la suivante : quand ce récit de création est composé (il n’est pas le plus ancien texte de la bible et est même postérieur à l’histoire d’Adam et Eve qui suit), le peuple d’Israël est soumis à la dure loi de l’exil à Babylone en Assyrie dont les dieux sont, entre autre le soleil et la lune. Or, dans notre récit biblique, les vaincus affirment que les dieux de leurs vainqueurs (soleil et lune) ont été créés par leur dieu et cela le troisième jour. Cette prétention est encore attisée par l’affirmation que la lumière ne vient même pas du dieu-soleil. Provocation ! « Nous, les vaincus, nous avons un dieu qui a créé les vôtres… » A l’époque où toute guerre était faite selon la volonté des dieux qui étaient les maîtres des batailles, des victoires ou des échecs, cette audace est étonnante.

Elle est le fruit de la foi que le peuple de Dieu mettait en son Maître et de sa confiance que, malgré la défaite, Dieu est encore le Dieu du monde.

Donc ce récit n’a pas, comme but premier, de dire scientifiquement comment le monde a été créé mais d’affirmer la présence mystérieuse et provocatrice de Dieu dans ce monde, traversé par guerres et paix, victoires et défaites. Dieu présent dans l'échec et l'exil.

Cependant, et ce sera ma deuxième réponse, le texte utilise les connaissances scientifiques de l’époque, mais n’a pas de visée explicative sur l’origine du monde. L’auteur sait fort bien que le soleil éclaire, comme il sait que les arbres sont appelés à produire du fruit et les poissons à vivre dans les eaux. Il connait aussi le rythme des jours, des mois, des saisons et des années. Il montre même, dans la succession des créations, que l’humain vient le dernier, après l’eau et la lumière ! Donc, dans ce texte, c’est bien de la lumière physique du soleil qu’il est question.

 Cela me conduit à une troisième réponse qui va dans votre sens de la création d’une lumière spirituelle. Dans le monde antique, les dieux créent, font et défont le monde selon leurs envies ou leurs besoins mais sans respect pour ce qu'ils créent.

Dans la tradition sumérienne, ~ 3500-3000 av. JC, puis dans la culture babylonienne, mille ans après, les humains sont créés pour servir les dieux fatigués à partir d’un dieu égorgé dont le sang est mêlé à de l’argile. Besoin des dieux d’avoir des serviteurs, violence et jalousie entre les divinités, le monde et l’humanité sont un jouet entre leurs mains et l’otage de leurs propres querelles et rivalités et l’être humain possède en lui un « reste » de cette origine divine violente : ce sang et le meurtre d’un dieu.

Il en va tout autrement dans notre texte : c’est le plaisir de Dieu qui prédomine dans sa volonté de créateur : l’exclamation « Et dieu vit que cela était bon » rythme chaque jour de la création comme un chant. Le mot « bon », -tov en hébreu-, peut aussi être traduit par « adéquat », soit qui correspond à ce que Dieu voulait. Nous sommes donc les fruits de la volonté accomplie de Dieu et non ceux de sa jalousie, d’une violence primordiale ou de son désir de se créer des serviteurs. On retrouve ce contentement de Dieu dans la parole de la Voix au baptême de Jésus (Marc 1,9-11).

Mais nous sommes aussi les fruits de sa Parole, ce qui fait qu’il y a une distance absolue entre Dieu et l’humanité, qu’il n’y a aucun contact physique, car on ne se parle qu’à distance, la parole nécessite la distance et le face-à-face et non le bouche-à-bouche ! Contrairement aux textes anciens connus à l’époque de la rédaction de la Genèse, une différence fondamentale sépare la création du créateur, ni sang ni  lien organique, aucune fusion, nous ne sommes pas des dieux déchus qui se souviendraient des cieux (Lamartine).

 Et, pour l’être humain et que pour lui, il y a deux autres éléments de création : la bénédiction de Dieu (Genèse 2,28) et son souffle (Genèse 2,7). Dieu bénit l’être humain, c’est-à-dire « dit du bien de lui, en latin : bene dicere et lui « souffle le souffle de vie ». Donc encore une relation heureuse qui implique parole, face-à-face et responsabilité : si Dieu me bénit et est en face de moi, je puis lui répondre sans peur.

En ce sens, on peut dire que la lumière créée par Dieu est celle de sa Parole qui fait de l’être humain son vis-à-vis, sa ressemblance (Genèse 1,16), une lumière donc spirituelle.



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