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Comment tourner le dos au désespoir ?

30.01.2004 Thème : Éthique: choix, responsabilité, liberté et morale Bookmark and Share
Réponse de : Daniel GuexDaniel Guex
is pas bien, mais
quand même, ça fait bizarre de savoir qu'un jeune de mon groupe de caté (que
je n'avais même pas essayé de connaître à cause de ma timidité) s'est suicidé
à 16 ans pour une "peine de coeur" comme on dit. Et puis d'autres ont suivi
: une tante, une voisine, le père de ma meilleure amie, dans un intervalle de
3 mois (morts "naturelles", cette fois-ci). Bon, c'est du passé, ça fait un
an maintenant, ok je tourne la page. En novembre dernier, j'apprends que ma
soeur fait une dépression, pas une déprime, une vraie dépression. J'ai cru naïvement
qu'au bout d'un certain temps, en l'aidant, on allait voir des progrès ; mais on
ne voit pas de progrès. Ce qui me rassure, c'est que d'après ce qu'elle me dit,
je l'aide bien ; mais ça ne change pas grand-chose au problème. En fait j'ai
peur de l'avenir, j'en ai vraiment peur. Mon frère et ma soeur n'ont personne
dans leur vie, je veux dire dans leur vie amoureuse, et il n'ont jamais eu personne(pas
de façon durable en tout cas). C'est d'ailleurs une des raisons de la dépression
de ma soeur. Je ne veux pas être comme eux, je ne suis pas comme eux ! Une vie
amoureuse, réduite à rien, un boulot pour lequel on a bossé comme un dingue mais qui
ne satisfait pas beaucoup d'espérances... Et puis même, partout dans le monde,
il est là, le désespoir, il est dans tous les drames humains, les catastrophes,
les enfants qui crèvent de faim et qui meurent du sida parce que le but des multinationales,
c'est pas de faire de l'humanitaire, mais de s'enrichir. Il est dans la musique
aussi, j'aime la musique, surtout quand elle exprime ce que moi je n'arrive
pas à exprimer.Il est partout devant mes yeux, bien qu'il ne me soit rien arrivé
de catastrophique. J'ai peur d'y tomber, et je supplie Dieu de me retenir, de
ne pas me laisser y aller; je voudrais qu'il me saisisse la main alors que j'ai
peur de couler, et que tout soit fini, qu'il me dise :"Comme ta foi est petite,
pourquoi as-tu douté ?" comme il l'a fait pour Pierre. Je sais qu'il me tend
sa main, mais c'est moi qui n'arrive pas à la prendre : je voudrais retourner
vers la lumière, mais à quoi ça sert si c'est pour ne jamais atteindre mes
idéaux ? Je ne peux pas accepter qu'ils restent toujours inaccessibles ; je
ne demande pas d'être dans la perfection, il me suffit de la toucher, juste
de l'effleurer. Même ça ce n'est pas possible ? Et puis il y a autre chose que
j'adore faire aussi : m'échapper quand j'ai l'impression qu'on m'en demande trop.
Alors au lieu d'essayer de résoudre le problème, je me raccroche à ce que je
peux, à la rêverie, laisser mes pensées divaguer... L'éternelle distraite, bien
qu'elle fasse partie d'un cercle de copines sympas, est souvent qualifiée de "pas
douée", ou variante "t'as trop d'mal". Ben oui j'ai du mal, ça au moins, c'est
sûr. Alors le bac, c'est pas pour moi, en tout cas pas pour maintenant. Et puis
même si je l'avais, j'ai l'impression qu'après, c'est le néant complet. Y a rien
derrière.En fait je l'aurai, l'école ne m'a jamais vraiment posé de problème,
c'est juste que les résultats sont passés de "bons" à "moyens". Mais voilà,
j'ai beau lire quantités de paperasses sur l'orientation, les métiers, les
études, rien ne me tente.Maintenant que j'ai compris pourquoi, je voudrais savoir
comment résoudre ce problème ; je sais que je dois me secouer, me réveiller,
mais je n'en trouve pas la force, c'est tellement plus confortable de se laisser al
ler? c'est tellement illogique et tellement lâche aussi. Dieu m'a tout donné,
je ne suis pas née dans une banlieue sordide, dans un endroit où je ne pourrais
jamais me sentir en sécurité, où je ne pourrais jamais m'épanouir et faire ce
qu'il me plait ; j'ai tellement de chance, tellement d'espoir et de bonheur
à avoir, et j'en remercie Dieu ; mais je ne m'en sers même pas. Alors où trouver
la force d'avoir enfin une vision plus positive des choses ?
Désolée d'avoir été si longue et merci de me répondre.
Chère lune, j'aime bien ton pseudo, parce qu'il fait penser à la nuit -que tu
décris longuement et si bien-, ... et à la lumière, qui est un reflet de celle
du soleil. Ton histoire se laisse lire; tu as du talent.
La difficulté de la question, c'est que ton parcours est à la fois unique et
semblable, dans sa problématique, à la plupart des jeunes de ton âge: à vues
humaines, il y a pas mal d'années à vivre, et on aimerait les vivre le mieux
possible, dans ce monde tel qu'il est. Peut-être qu'on t'a déjà dit: "Dieu t'aidera".
Mais qu'est-ce que ça veut dire?
Quand Jésus était en plein dans le brouillard, au moment où on s'opposait à
lui, au moment de son procès, sur la croix, Dieu l'a-t-il aidé? Oui, mais pas
en faisant disparaître toute opposition, ... et pas en le faisant descendre
de la croix. Il a bel et bien passé par le Séjour des morts (certaines versions
du Credo disent "Il est descendu aux enfers"). Sa Résurrection ne vient pas
comme un épilogue heureux s'inscrivant dans la suite de son histoire, mais comme
la surprise de Dieu qu'on ne peut pas susciter, qui demeure un mystère inexplicable,
et qui débouche sur un monde nouveau.
C'est la première réponse que j'ai envie de donner; s'attendre à Dieu, lui faire
confiance, ce n'est pas vouloir le coup de pouce pour pouvoir atteindre les
idéaux fixés; s'attendre à Dieu, lui faire confiance, c'est le laisser me transformer,
le laisser en quelque sorte me "ressusciter" à une vie nouvelle, une vie que
peut-être je n'attendais pas.
Maintenant, pour toi, la question se pose de ton avenir immédiat: pourquoi pas,
après le bac, prendre une année pour faire tout autre chose: par exemple, aller
au pair dans une famille à l'autre bout du monde ... ou faire des petits boulots
et voyager; ... faire le pèlerinage de St Jacques de Compostelle ... bref, changer
d'air, voir autre chose, et se donner du temps pour réfléchir à tout ça. Il
peut en découler des richesses insoupçonnées qui profiteront non seulement à
toi personnellement, mais à tous. Bonne route!



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