Comment comprendre les "psaumes de vengeance" ?
Comment interprétez-vous la violence dans les Psaumes qui si souvent appellent
à la vengeance et à l'anéantissement brutale et physique de l'ennemi par le
Seigneur. Est-ce le reste d'un archaïsme religieux ou quelque chose de plus?
Amitiés
Zoé
Chère Zoé,
La violence de certains psaumes pose en effet problème. Nous en connaissons
des exemples classiques : le psaume 109, en particulier les versets 6 à 15,
et la terrible chute du psaume 137.
Les biblistes ont coutume d'appeler "psaumes de vengeance" ce genre de prières.
Cette appellation n'est pas des plus heureuses. En fait, il s'agit de manifestations
d'impatience, d'expressions extrêmes de la foi, que nous pourrions traiter d'outrancières.
Mais, avant de porter ce genre de jugement, il me semble important de nous
mettre à la place des auteurs de ces prières. Si nous ne sommes pas passés par
les épreuves qu'ils ont vécues, nous pouvons nous en estimer heureux.
Il peut en effet y arriver des jours où l'on a marre de tout, où l'on se met
à dire n'importe quoi, même à l'adresse de Dieu. C'est ce qui me paraît le plus
important : la communication avec Dieu. Devant lui, je peux vider mon sac, exhaler
ma bile, mon indignation, mes pensées meurtrières.
Bien entendu, Jésus est venu mettre en nous un autre esprit, en nous proposant
d'aimer nos ennemis et de prier pour eux, ce qui est quand même difficile. Mais
il me paraît essentiel de ne pas censurer la Bible, qui est un témoignage magnifique
de l'humanité, un livre qui montre crûment quelle violence nous habite, quelles pulsions
nous travaillent. Jean Calvin, pour sa part, parlait du Psautier comme d'une
anatomie des parties de l'âme.
Mon professeur d'Ancien Testament proposait d'appeler "psaumes de la foi impatiente"
ce genre de prières, plutôt que "psaumes de vengeance".
Se pose cependant le problème de leur utilisation. Faut-il tout reprendre, faut-il
tout adapter de ce genre de prières ? En principe oui, mais il y a la manière.
Je sais par exemple que les Juifs ont coutume de lire à voix plus basse et à
un débit plus rapide les versets de "malédiction" qui se trouvent dans la Tora,
comme s'ils étaient pénibles. Je pense en effet que nous ne pourrions pas chanter
les passages les plus violents des psaumes à l'église, mais il ne faut surtout
pas les censurer. Pensons au cas de Job, qui a pris Dieu à partie tout au long
de ses souffrances. Lui aussi avait une foi impatiente, magnifique. Ce n'est
pas pour rien que le livre de Job vient immédiatement après les Psaumes.
L'un des fruits de l'Esprit est la patience. Mais il n'est pas donné à tout
le monde d'être patient. Ce que je trouve extraordinaire, c'est que nos marques
d'impatience, Dieu les accueille aussi avec bonté. Comme l'écrit saint Jacques
dans sa lettre : "La requête énergique d'un juste agit avec beaucoup de force."
(Jacques 5,16.)