Quelles divergences entre luthériens et réformés sur la prédestination?

il vaut parfois la peine de patienter. Il y a effectivement entre luthériens
et réformés des divergences assez profondes sur la doctrine de la prédestination.
Elles ne portent toutefois pas suffisamment à conséquence pour que la Concorde de Leuenberg
– que je mentionne dans ma précédente réponse - ne puisse être signée !
Ces divergences me semblent reposer sur la question de savoir comment
l’on connaît Dieu dans l’une et l’autre tradition. Chez Luther, Dieu n’est vraiment
connu qu’en Jésus-Christ (et Jésus-Christ crucifié). En dehors de cette révélation,
nous ne pouvons rien dire sur Dieu. Il nous reste caché. Et une bonne part de ce
qu’est Dieu nous est ainsi caché. En particulier de savoir s’il a décidé de
toute éternité – comme le prétend Calvin et une bonne part de la tradition réformée
– de notre prédestination.
Cette prédestination qui précède la chute de l’homme (supralapsaire)
fait alors tendre la doctrine de la prédestination vers un déterminisme. Tout
de notre vie est ainsi prédéterminé. Se pose alors la question de la liberté
humaine. Se pose aussi et surtout la question du statut du péché. Si mon sort éternel
est déterminé avant que je pèche, qu’est-ce qui m’empêche de pécher abondamment
? De toute manière cela ne change rien à la décision éternelle de Dieu. Un tel
raisonnement ne peut être fait en eaux luthériennes, car là nous ne savons rien
des décrets éternels de Dieu…
Une autre conséquence des divergences sur la doctrine de Dieu réside
dans la doctrine de la double prédestination : l’élection des uns par pure miséricorde
de Dieu et la réprobation des autres par pure justice de Dieu. La question qui
se pose est de savoir si ce peut être le même Dieu qui exerce cette miséricorde
et cette justice. Justice et miséricorde peuvent-elles être unies dans une synthèse
satisfaisante ? peuvent-elles même être articulées l’une à l’autre si elles
sont d’égale importance ? Peut-on parler de deux actes distincts de Dieu ? Les réformés
semblent pouvoir dire à ce propos de choses que les luthériens se refusent à
affirmer encore une fois à cause de leur respect du Dieu caché.