Comment concilier en Dieu bonté et toute-puissance ?

toute-puissance de Dieu et bonté de Dieu de manière métaphysique - c'est-à-dire
en les déconnectant de notre relation à Dieu et surtout de la relation que Dieu
entretient avec nous -, on arrivera à des impasses.
Qu'appelons-nous, en effet, toute-puissance quand il s'agit de Dieu ? Ne projetons-nous
pas sur Dieu nos attentes ? Peut-être avez-vous eu ou aurez-vous l'occasion
de voir un film récent intitulé quelque chose comme "Bruce le tout-puissant".
Il montre les difficultés dans lesquelles un homme s'empêtre quand il reçoit pour
une semaine la toute-puissance divine. Il se pourrait bien que pour Dieu ce
que nous appelons sa maîtrise, sa seigneurie, sa toute-puissance signifient
tout autre chose que ce que nous entendons par là. Il en va exactement de même
de la bonté de Dieu. Or, si nous ne savons pas ce que signifie bonté et toute-puissance
quand elles sont mises en relation avec Dieu, comment pourrions-nous disserter
sur leur mise en relation l'une avec l'autre ?
Est-ce à dire que nous ne pouvons alors plus rien dire à propos de Dieu ? Je
ne le crois pas. Nous savons ce que Dieu a fait pour nous en Jésus-Christ: il
nous a donné gratuitement son amour. C'est à partir de là qu'il s'agit de relire
la toute-puissance divine: elle est fondamentalement la toute-puissance de son
amour gratuit. Mais cet amour a pu prendre des formes assez dures: invectives
contre les pharisiens (Mt 23), violence contre les marchands du temple (Mt
21,12ss), dénonciation de l'incrédulité de ses disciples (Mt 8,26)...
Alors, quand un enfant naît gravement handicapé, il s'agit encore de se demander
ce que, dans son amour tout-puissant - c'est-à-dire dont rien ne peut nous
séparer (Rm 8,35ss.) -, Dieu - qui est fondamentalement un Dieu qui parle -
a pu vouloir nous dire. Tout dépend de la situation particulière de ceux qui sont
confrontés à cet enfant. Pour ma part, j'y entend Dieu me dire des choses sur
mon impuissance, ma non-maîtrise, ma condition de créature: je ne puis faire
que le monde soit parfait au sens où je l'entends. J'entends aussi Dieu me dire
des choses sur l'amour fou dont il me faudrait pouvoir faire preuve à l'égard
de cet enfant et dont par moi-même - ou sans Son aide - je ne puis faire preuve.
Alors, face aux thérapies géniques, je me dis que Dieu peut donner à certains
hommes de son pouvoir pour explorer et "réparer" la nature, mais qu'il veut
absolument que nous en usions dans le seul but de manifester son amour à l'humanité.
Le problème n'est pas: "Est-ce que les thérapies géniques sont permises ou non par
Dieu?", mais "quel usage allons-nous en faire ?" et si nous ne sommes pas sûr
que l'humanité en fera un bon usage, "faut-il y renoncer et renoncer à toute
recherche à leur sujet ?".
La création est fondamentalement bonne. Les hommes, par leur volonté d'autonomie
par rapport à Dieu y sèment le mal. Le mal qui n'est pas de leur responsabilité
n'est pas nécessairement un mal aux yeux de Dieu. Il a certainement, en permettant
que ce mal existe, une bonne intention, même si nous ne la saisissons pas.