S'il n'y a pas d'enfer éternel, à quoi sert le salut?

Bonjour,

Il me semble qu'il faut toujours être très prudent dans ces questions-là, car nous ne pouvons parler de l'au-delà dans nos catégories spatio-temporelles! La Bible ne nous donne jamais un descriptif de l'au-delà, mais elle nous parle en images dans le but de nous inviter ici-bas à la communion avec Dieu et à la vie éternelle (entendu comme une qualité de vie et non comme un temps infini, cf. mes réponses récentes à des questions sur ce sujet). Même quand Jésus évoque la "géhenne" (le terme d'enfer n'étant pas biblique!) où il y aura des pleurs et des grincements de dents, ce n'est pas pour nous donner un cours dogmatique sur l'après-mort, mais pour nous inviter à la conversion, à vivre dès aujourd'hui dans l'amour divin, et donc à transformer notre enfer d'une vie sans Dieu en paradis d'une vie dans l'intimité du Père.

Dans ce sens, on peut dire en effet que l'enfer est une réalité de notre monde, caractérisée par une vie sans Dieu. De même, "le paradis" est une réalité de ce monde, caractérisée par la vie en communion avec Dieu. Dans la foi et l'espérance, le croyant croit que cette communion avec Dieu, déjà vécue ici-bas, ne s'arrête pas avec la mort, c'est une vie en plénitude, une vie éternelle et c'est pour nous l'offrir que le Christ est venu : "Je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu'ils l'aient en plénitude". Faut-il croire alors en un enfer éternel? Si l'on comprend la foi comme une confiance en Dieu qui s'est révélé en Christ, on ne peut "croire" qu'au "paradis"(pour reprendre une expression qui n'est pas non plus biblique), au Royaume ou à la vie Eternelle, mais on ne peut "croire" à l'enfer! On peut spéculer à ce sujet, mais la spéculation est souvent vaine! On ne peut alors qu'espérer, et comme le dit sur ce sujet un théologien catholique remarquable, Hans Urs von Balthazar, "espérer pour tous". 

Mais cela signifie-t-il alors un relâchement moral, comme vous le craignez? Je crois que si la foi repose sur la seule peur de l'enfer et sur l'attente d'une récompense "au paradis", c'est une foi bien fragile! La foi ne se nourrit pas de la peur, mais de l'amour. Et celui qui fait l'expérience de l'Amour de Dieu dans sa vie et qui accueille cet amour, qui entre dans la communion avec Dieu est bien "sauvé" de l'angoisse, du non-sens, du sentiment d'absurdité. Il est sauvé de l'enfer! Cette expérience est bien plus forte que la peur quant à sa destination finale, et bien plus motivante pour vivre une vie selon cet amour qui s'est révélé à nous. Plutôt que de spéculer sur ceux qui iront (ou n'iront pas) en enfer , l'évangile nous invite à vivre la communion avec Dieu, la vie Eternelle dans notre temps, et à inviter les autres à entrer dans cette communion d'amour!