Se détacher de soi-même pour ressentir la présence de Dieu?

Bonjour,

Je ne suis pas très bien sûr de comprendre votre question. A quoi faites-vous notamment allusion lorsque vous évoquez les deux voies distinctes? Une voie du détachement d'une part? Une voie où l'on "ressent" la Présence de Dieu de l'autre? Je l'interprète ainsi...Si je suis à côté, n'hésitez pas à préciser votre question!

Les grands spirituels chrétiens (ceux que l'on appelle notamment les mystiques) font toujours un lien entre le détachement de soi et l'union à Dieu. Je préfère cette dernière expression à "sentir" la Présence qui risque trop de se focaliser sur le "ressenti", alors que l'expérience de la Présence ou l'union avec Dieu peut se passer à un autre niveau que celui des "sens"... Cette mise en parallèle ne signifie pas qu'il y aurait un chemin "normatif" : Du détachement à l'union... Plutôt que l'un ne va pas sans l'autre. Je crois qu'on trouve déjà cette thématique dans l'évangile, avec les invitations de Jésus à se "renier soi-même" pour le suivre sur le chemin de l'Amour et du don de soi... (Attention toufois à ce que ce "reniemement" ne tourne pas à la haine de soi! Ce serait psychologiquement et spirituellement malsain).

L'apôtre Paul exprime aussi cette double réalité quand il affirme : "Ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi". Je crois que l'on peut interpréter cela à partir aussi des catégories pauliniennes de ruptures entre l'homme ancien et l'homme nouveau, l'homme en Adam et l'homme en Christ. Le moi, l'homme ancien, l'homme en Adam est l'homme replié sur lui-même, totalement auto-centré, qui se considère comme le centre de toute perspective et de tout jugement (un peu l'équivalent de l'ego des religions orientales). L'accueil du Christ dans ma vie, l'expérience de la foi/confiance, l'aimantation de la Présence de Dieu permettent au croyant de vivre un radical décentrement: Ce n'est plus moi qui vis (sous-entendu ce moi totalement refermé sur lui-même), c'est le Christ (qui est totalement décentré : fondé en Dieu son Père, ouvert aux hommes et femmes ses frères et soeurs) qui vit en moi et permet à ma personne (qui n'est pas anéantie! il y a bien un "en moi" - c'est une transformation de la personne qui est décrite et non sa destruction, ce qui est parfois le risque dans une spiritualité du détachement poussée à l'extrême) de vivre dans cette ouverture à Dieu (la foi) et aux autres (l'amour) qui ouvre un chemin d'à venir (l'espérance), donc de manière détachée d'elle-même, décentrée.

Comment parvenir à cette expérience? Là, je crois qu'il ne faut pas trop vite tracer un chemin uniforme. Pour certains, ce peut être l'expérience de la Présence divine (notamment dans la prière) qui agit comme un aimant puissant et permet alors une transformation intérieure, de type détachement de soi. Pour d'autres, suivant une voie plus ascétique, c'est un certain combat intérieur contre l'égocentrisme qui les conduit alors à vivre toujours plus dans l'Amour et devenir semblables à Dieu. Pour d'autres, ce peut être un choc qui permet de modifier en profondeur ce sur quoi ils fondaient leur vie...etc.. Pas de chemin unique, mais l'affirmation fondamentale que l'union à Dieu est liée au détachement de l'ego!

Sur ces questions, et au risque de paraître fort peu détaché de mon ego! je vous renverrais au livre que j'ai publié d'introduction à la mystique chrétienne sous le titre "Le ciel est en toi".