Faut-il se confesser à un tiers ou directement à Dieu?
Se confesser à une tierce personne est-ce obligatoire?
Mon amie me dit que non, que l'on peut demander pardon à Dieu directement.
Que penser alors lorsque Jésus dit à ces apôtres qu'ils ont le pouvoir de remettre ou de retenir les pêchés d'ou le sacrement de réconciliation chez les catholiques ?

Bonjour,
Il est vrai que la pratique individuelle et obligatoire de
la confession n’a plus cours dans les Eglises issues de la Réforme. Les
Réformateurs l’ont en effet rejetée, disant que le prêtre n’est pas le seul à
pouvoir pardonner les péchés au nom de Dieu. Luther met l’accent sur la foi du
croyant qui, se plaçant en sa propre conscience devant Dieu avec ses faiblesses
et ses mauvaises actions, confesse (avoue) ses péchés à une tierce personne.
Cette dernière ne fait alors qu’annoncer le pardon de Dieu, sans pouvoir
particulier.
Dans la conception
catholique en effet, seul le prêtre peut donner le pardon de Dieu, ou ne
pas le donner, selon la parole biblique que vous citez qui rapporte que Jésus
envoie ses apôtres divulguer la Bonne Nouvelle en leur disant que ceux à qui
ils remettront leurs péchés, ils leur seront pardonnés, et ceux à qui ils les
retiendront, ils leur seront retenus (cf. Jn 20, 23). Nous sommes là dans la
théologie des ministères qui aborde la question de la succession apostolique
comme « prérequis » pour l’administration des sacrements d’un point
de vue catholique.
Calvin, dans son Institution
de la religion chrétienne (au livre III), s’oppose à la pratique catholique
rendant obligatoire la confession et le fait que seuls les prêtres pouvaient
donner - ou non - le pardon des péchés. Par contre, il reconnaît l’intérêt de
la confession personnelle et libre, libérant la personne de la culpabilité ou
de questionnements l’empêchant d’avancer sereinement. Cette confession peut se
faire à n’importe quel autre chrétien (cf. Epître de Jacques 5, 16 :
« Confessez-vous donc vos péchés les uns aux autres et priez les uns pour
les autres, afin d’être guéris. »), mais Calvin considère tout de même
qu’un pasteur sera particulièrement apte à recevoir ce type de confidences.
Dans le culte réformé a été maintenue, en principe, la
confession du péché au début du culte. Le pasteur parle au nom de toute
l’assemblée, la plaçant (en s’y intégrant aussi) comme pècheresse devant Dieu, admettant ses
fautes et ses manquements (en hébreu le mot « pécher » signifie
étymologiquement « manquer la cible », c’est-à-dire « ce qui
tient à distance », de Dieu et des autres humains). Chacun peut alors
s’examiner lui-même en conscience et en vérité. Ensuite, le pasteur prononce
les paroles de grâce, ou la « déclaration du pardon » rappelant que
« Dieu a tant aimé le monde qu'il
a donné son Fils unique : ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas
mais il obtiendra la vie éternelle » (Jn 3, 16). Ainsi, à celui qui se
repent et qui croit (importance de la foi, comme chez Luther), ses péchés lui
sont pardonnés. Ces deux moments liturgiques forts rappellent le fameux simul
justus ac peccator de Luther : l’humain est à la foi juste (sauvé par
la grâce, ou le don de Dieu) et pécheur…
Quoiqu’il en soit, le protestant qui reconnaît l’importance
de sa conscience personnelle et de sa réalité de « pécheur », d’homme
ou de femme qui a agi de manière incorrecte ou pensé ou dit des choses
mauvaises, peut prendre à témoin n’importe lequel de ses frères (ou sœurs)
chrétien(ne)s pour se libérer de la culpabilité. En faisant ça, il reconnaît
aussi l’importance du pardon gratuit et inconditionnel de Dieu. Notons que la
seule différence, en parlant à « n’importe qui », c’est que cette
personne n’est pas tenue au secret de fonction comme l’est un prêtre ou un pasteur. Un prêtre ou un pasteur ne peut en aucun cas être délié de ce secret,
même devant la justice, sauf par la personne elle-même !
Et pour répondre à votre question, non ce n’est pas
obligatoire de se confier à une autre personne, Dieu écoute toutes nos prières
sincères et nous pardonne. Mais la confession à une tierce personne qui
« entend » bien ce qui nous
habite, c’est-à-dire qui l’intègre, l’atteste, le rend « audible »,
peut se révéler libératrice, tout comme s’entendre dire de la part d’un prêtre
ou d’un pasteur que Dieu nous aime tels que nous sommes, pour autant que nous
soyons sincères avec Lui, et donc, avec nous-mêmes et les autres.