Qu'est-ce que le bien, qu'est-ce que le mal ?

Je reprends volontiers la balle au bond puisqu'un dialogue s'instaure! D'accord
que la guerre, l'homme ne la fait pas toujours par pur vice. Il peut y être
contraint. Ce qui m'intéresse, c'est toutefois quand l'homme fait le mal pour
le mal. Qu'est-ce qui l'en rend capable? Vous répondez: la conscience de soi. Ce
serait donc sa nature particulière. Il aurait été créé comme cela. Une Fatalité.
Mais pourquoi fait-il mauvais usage de sa conscience de soi? On pourrait, en
effet, attendre du fait qu'il se regarde faireŸ une occasion de réfréner son besoin
de violence, de chercher à tout prix la conciliation. Ne sait-il pas, en effet,
qu'il risque sa peau et celle d'un grand nombre de ses semblables à vouloir
se battre avec l'autre? Conscient de cela, il ne devrait pas pouvoir faire le
mal pour le mal. Il faut donc chercher ailleurs la cause de cette capacité au
mal complètement démesuré. Je propose de regarder du côté de l'usage que l'on
fait de toutes choses.

Pour le saisir, partons de ce que vous affirmez ensuite: l'homme est aussi capable
du meilleur - aussi gratuitement que du pire . Mais qu'est-ce donc que le bien
? Prenons l'exemple de l'énergie atomique. Lorsque dans les années 30 on a envisagé
les possibilités que réserverait la fission de l'atome, certains on soutenu pareil
projet au nom de l'approvisionnement énergétique de la planète. L'avantage d'une
énergie propre et abondante leur paraissait non négligeable. Un problème apparaît
quand on découvre qu'on n'avait pas pensé aux déchets de cette industrie. C'était
malŸ de l'avoir oublié. Mais on avait surtout négligé d'envisager que l'on
puisse obtenir ainsi une arme de destruction massive. Cette négligence était
un mal comme l'usage militaire qui fut fait de cette belle invention qu'était en
apparence la fission de l'atome.

Si ce que nous considérons comme le bien peut ainsi conduire au mal, c'est me
semble-t-il que le mal se situe au niveau de notre usage du monde. C'est donc
que le mal est inscrit plus profondément en l'homme que vous ne le dites et
le détermine bien plus radicalement. C'est enfin que notre usage du monde peut
être considéré comme tordu par notre mauvais rapport à Dieu. Lorsqu'il organise,
en effet, l'extermination des juifs à Auschwitz, l'homme se croit capable de
remplacer Dieu. Il se croit maître de toutes choses et en particulier non seulement
de la vie de son prochain mais aussi de la détermination de ce qui est bon et
mauvais en matière de race. Quand il use mal de l'énergie atomique en ne prévoyant
pas le problème des déchets et celui de la terreur atomique, c'est qu'il se croit
le maître de la matière et le maître de son histoire comme de celle de ses
descendants.... Dans chaque cas, il ne laisse pas Dieu être Dieu. Or c'est ce
que les chrétiens appellent le péché: vouloir être comme Dieu. Je ne vois pas
d'autre explication au mal absolu comme au mauvais usage des biens les meilleurs
dont l'homme est capable.

Ce que je constate, c'est que naturellementŸ l'homme use mal des choses les
meilleures. Ce qu'il faut alors expliquer, c'est pourquoi de temps à autre l'homme
est quand même capable de faire le bien. Quand il s'agit de personnes qui croient
en Dieu, se soumettent à Lui, font preuve d'humilité on peut assez facilement
le comprendre. Mais quand il s'agit de personnes non-croyantes ? Un chrétien
devra à mon sens confesser que Dieu est intervenu. Il a permis à tel ou tel
de faire le bien. Il y a effectivement là une forme de prédestination. Pourquoi l'honnir
? Pourquoi Dieu a-t-il choisi de permettre à telle personne de faire le bien
et pas à telle autre ? Il ne nous appartient pas , si nous voulons conserver
notre humble place, de le déterminer!

L'honneur et le service de Dieu, cela consiste dès lors à se faire totalement
dépendre de Lui, à recevoir humblement ses bienfaits et parmi eux les grandes
idées qu'il peut nous permettre d'avoir. Cela consiste encore à chercher humblement
auprès de Dieu le bon usage qu'il s'agit d'en faire... A vous la balle ?