Peut-on encore aujourd'hui parler de "démons" ?

à moins que je ne sois passée à coté d'une métaphore ou d'un sens caché ? merci
de m'expliquer celà !

p.s. : un grand merci à tous les répondants et à ce site qui me permet d'appronfondir
ma réflexion !
Chère Mina,

Je comprends votre perplexité et la partage en grande partie. Il est vrai qu'une
certaine forme de "démonologie" est dangereuse, surtout quand on se permet de
diviser le monde en deux dans un jugement manichéen...et le démoniaque est alors
toujours chez l'autre!

Et pourtant l'évangile utilise cette catégorie, et je crois qu'on peut la comprendre
de manière symbolique: prenons par exemple le fameux texte du possédé de Gérasa
(Marc 5, 1 à 20): on y voit un homme vivant dans les tombeaux, le domaine du
chaos et de la mort, qui ne peut plus avoir de relations sociales, qui a une
attitude auto-destructrice... L'évangile en parle comme un homme "possédé d'esprits
impurs": donc un homme qui ne se possède plus lui-même, qui n'a plus de consistance
personnelle: "mon nom est légion" : un homme donc aliéné à des pulsions plus
fortes que lui et qui n'arrive plus à dire "Je", à trouver son centre personnel.
Il n'y a donc pas besoin d'imaginer des démons fourchus: Le démoniaque dans
la Bible, c'est ce qui divise l'être, ce qui fait que nous ne sommes plus entiers...Le
démoniaque, c'est ce qui nous rend étrangers à nous-mêmes...
Mais l'évangile ne se contente pas du diagnostic: il nous présente surtout une
dynamique de guérison. Jésus, l'homme parfaitement "entier" sur qui repose l'Esprit
saint va s'approcher de cet homme, et son regard d'amour va permettre à cet
homme disloqué de retrouver son unité intérieure: le "possédé" n'est plus alors
légion, mais sous le regard d'amour du Christ, il peut redevenir une personne
unique, irremplaçable, retrouver une consistance intérieure, qui lui permettra
de réintégrer la société.

Ce texte ne nous permet pas de chercher le démoniaque chez l'autre, mais bien
plutôt de regarder nos propres ombres, nos destructurations intérieures pour
que nous nous laissions unifier par l'Esprit divin...Je crois alors que, dans
ce sens symbolique, cette catégorie du "démoniaque" peut rejoindre nos expériences
personnelles (et collectives) les plus profondes.