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Qu'est-ce que le piétisme?

CALVINISTE 15.12.2008 Thème : Protestantisme Bookmark and Share
Réponse de : Michel CornuzMichel Cornuz

 Bonjour,

  le piétisme est avant tout un mouvement de rénovation, de réveil, ou pourrait-on dire - car le piétisme se réclame souvent du "jeune Luther" - de réforme des Eglises protestantes (luthérienne et réformée, mais aussi anglicane). Ces Eglises étaient à l'époque crispées dans les luttes confessionnelles et n'offraient plus guère de réelle substance spirituelle. On date classiquement l'émergence du piétisme de la publication des Pia desideria de Spener en 1676, traité qui appelle à un réveil de l'Eglise luthérienne par le moyen d'assemblées d'édification mutuelle autour de la Bible. Il semble toutefois que Spener ne soit qu'une voix parmi d'autres, qui se sont élevées dans plusieurs pays et cadres confessionnels différents à la même époque, pour réclamer une "religion du cœur" et une pratique spirituelle vivifiante (une "piété" comme on disait en ce temps là) au sein des Eglises protestantes, sans qu'il y ait forcément un lien entre toutes ces revendications : les mêmes besoins spirituels appelant le même type de réponses.

 D'abord, le piétisme met en avant un christianisme vécu, une pratique spirituelle capable de transformer l'être humain et de lui permettre de vivre sa foi au cœur de son quotidien. L'insistance sur ce christianisme vécu comporte la critique d'une foi purement intellectuelle ou dogmatique. Le piétisme met l'accent aussi sur une rupture du fidèle d'avec son ancien mode de vie et d'avec le monde; c'est l'expérience de la conversion, qui peut être subite ou progressive, au gré d'un cheminement intellectuel ou spirituel personnel. Il n'y a pas encore dans le piétisme originel de codification de la conversion (comme ce sera le cas dans le piétisme de Halle et dans le méthodisme par exemple, suivis sur ce point par la plupart des Eglises "évangéliques"). Le piétisme insiste aussi sur la sanctification qui est le fruit de la justification; il ne remet pas en cause le principe de la "justification par la foi", mais il condamne ce que Bonhoeffer nommera plus tard "une grâce à bon marché", une vision purement extérieure de la justification, qui ne provoque aucun changement intérieur et sert même d'oreiller de paresse à des chrétiens spirituellement et moralement endormis.

 

Le piétisme demande aussi un retour à la Bible comme seule autorité en matière de foi et de vie; cette insistance ne conduit pas fatalement au fondamentalisme, qui viendra souvent se greffer plus tardivement sur le piétisme historique, mais constitue une critique de deux déviations des Eglises de l'époque : dans les universités, en effet, on pratiquait soit une lecture dogmatique de la Bible, qui conduisait à des luttes confessionnelles stériles ("orthodoxie confessionnelle") soit une lecture rationaliste, qui vidait le texte saint de toute autorité et de toute saveur. Les piétistes préconiseront une lecture spirituelle de la Bible pour y rechercher une Parole actuelle de Dieu qui s'adresse au cœur de chaque lecteur.

 

Enfin, il y a chez les piétistes une revalorisation du "sentiment" (ou de l'émotion) comme moyen d'accès à la connaissance de Dieu (contre la raison): l'amour pour Dieu l'emporte sur tous les raisonnements au sujet de Dieu. Parler à Dieu dans la prière est bien préférable que de parler de Dieu du haut d'une chaire. Il faut ajouter à cela une volonté missionnaire importante - les premières missions protestantes sont issues du piétisme -, la "lutte contre les fléaux sociaux", qui a permis la création de nombreux foyers, orphelinats, hôpitaux, bref un engagement qu'on qualifierait aujourd'hui d'humanitaire, et un réel succès populaire grâce à la simplicité du message.

 



[i] Cf. la traduction française de ce texte : Philipp Jacob SPENER, Pia desideria ou désir sincère d'une amélioration de la vraie Eglise évangélique, Paris, Arfuyen, 1990.

 



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