La foi, oeuvre ou grâce ?

nous oblige, par une démarche rationnelle, à nous situer d'un côté ou d'un autre,
alors que si la grâce est vraiment grâce,elle ne peut s'expliquer rationnellement.
Est-ce que Luther serait d'accord ?

A propos de la grâce et des ¶uvres (la foi pouvant effectivement être
conçue elle aussi comme une ¶uvre), il faut distinguer deux niveaux. Il y a
celui de la perception assez immédiate que nous avons de la réalité et il y
a celui de la reconstruction que nous devons faire quand nous confessons notre
foi.

La perception immédiate de ce qui se passe quand je deviens croyant, c’est qu’effectivement
je prends une décision responsable face à un appel qui m’est adressé. J’ai fermement
l’impression de pouvoir croire ou ne pas croire, d’être libre de me décider en un
sens ou dans l’autre. Le choix de la foi m’apparaît alors clairement comme une
¶uvre : quelque chose que je fais, qui est de ma responsabilité. C’est qu’humainement
parlant je ne puis réfléchir que dans ces termes.

Une fois devenu croyant, je me fait complètement dépendre de Dieu et confesse
que tout vient de Dieu, en particulier en matière de vie spirituelle. Si tout
vient de Dieu, la foi qui est née en moi n’est donc pas une ¶uvre que j’aurais
produite. Elle ne peut être qu’une grâce surtout si je confesse aussi que je suis
pécheur et donc incapable de faire mon salut par mes propres forces. La foi
ne m’apparaît plus alors comme ayant été de ma responsabilité, comme quelque
chose que j’ai choisis et fait. Elle est de part en part un don que Dieu me fait.

C’est en ce deuxième sens de la perception profonde de qui vit devant Dieu que
Luther défend la prédestination du croyant dans son De servo arbitrio contre
Erasme.