Que penser des "exercices spirituels" de st Ignace de Loyola?

Bonjour,

Je vous rejoins tout à fait dans votre perplexité par rapport à cet enseignement du "mépris de soi" qui a provoqué des catastrophes spirituelles dans le christianisme, comme s'il fallait se haïr et se mépriser pour plaire à Dieu. On a façonné ainsi l'image d'un Dieu pervers, pour reprendre le titre d'un excellent livre de Maurice Bellet.

Les propos que vous citez de St Ignace  ne peuvent en effet être acceptés de nos jours, ils témoignent d'un type de spiritualité obsolète, comme vous le dites justement. Nous ne pouvons les lire qu'avec un certain malaise, non seulement parce que la psychanalyse nous met en garde contre de tels propos malsains et morbides, mais aussi et surtout, de par notre lecture de l'Evangile, et de la figure de Dieu dont témoigne Jésus: Un Dieu qui n'encourage pas le mépris de soi, mais redonne leur dignité d'enfants de Dieu à tous ceux qui souffrent de ce mépris et de cette honte.

Tout est-il pour autant à rejeter dans les "exercices spirituels" ignatiens? Je ne le crois pas. D'abord, ces exercices ne sont pas destinés à être "lus" comme un livre de spiritualité, mais sont des indications pour ceux qui conduisent des retraites, ils sont donc à vivre. Et de nombreux accompagnateurs modernes s'inspirent de St Ignace pour permettre aux personnes qu'ils accompagnent de faire un chemin de discernement sur leur vie, leur personne, leur vocation... Un St Ignace certainement "expurgé" (mais c'était aussi l'époque : on pourrait trouver de nombreuses images de ce type chez Calvin par exemple!) ou en tout cas retravaillé en fonction de notre sensibilité spirituelle contemporaine et des apports de la psychologie. Même les textes que vous citez peuvent alors prendre une autre dimension: par-delà leur outrance, ils invitent à nous examiner sans complaisance, sans illusion sur nous-mêmes, de voir la réalité de nos vies dans un esprit de vérité, pour que nous puissions nous situer dans l'humilité. Non invitation au mépris de soi, mais à un regard lucide sur soi, qui est souvent le premier pas pour une quête spirituelle saine.