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Les mystiques protestants et le détachement

vince13 08.01.2010 Thème : Spiritualité et prière Bookmark and Share
Réponse de : Michel CornuzMichel Cornuz

Bonjour,

Il me semble que l'idée de détachement / dépouillement est au coeur de la définition même de la mystique. On peut en effet définir toute mystique comme la quête d'une union à Dieu (à la Divinité, à l'Un... quel qu soit le nom qu'on lui donne) par le moyen d'un détachement dans l'existence et la prière. L'union est le but, le détachement, le chemin.

Pour parvenir en effet à l'union avec Dieu, il est nécessaire de se détacher de notre moi (ego) qui ramène tout à lui-même et se place au centre de perspective et de jugement. C'est le sens du détachement, qui n'est pas tant un détachement des biens matériels, mais de nous-mêmes par rapport à ces biens. Le détachement matériel est toujours lié à un détachement de soi-même, de sa personne, de son ego. C'est l'enseignement classique de Maître Eckhart qui affirme : 

"Ce que nous nous persuadons alors: que l’on doit fuir ces choses-ci et rechercher celles-là, ces supputations de lieux et de gens, de manières, de directions, d’occupations – ce n’est pas la faute de cela si la situation ou les choses ont été pour toi un obstacle! Mais ce qui est l’obstacle, c’est toi-même dans les choses. Ta position vis-à-vis des choses est à l’envers. Mets donc le levier en toi et quitte-toi! Car en vérité! si tu ne te fuis pas d’abord, alors où que tu fuies, tu trouveras toujours empêchement et trouble. (…) Mais comment doit-on s’y prendre? Tout d’abord se quitter soi-même. Par là on a aussi quitté toutes choses. Sans exagération: si quelqu’un quittait un royaume, oui, le monde entier, et se gardait, il n’aurait rien du tout quitté! Oui et s’il se renonce, il peut garder ce qu’il veut, richesse, honneur ou quoi que ce soit: il a renoncé à tout. (…) Notre Seigneur dit: “Qui veut me suivre, qu’il renonce d’abord  à lui-même!” C’est là toute la question. Va à ta recherche et là où tu te trouves, quitte-toi! c’est ce qui est le plus salutaire. Et sois persuadé qu’il n’y a encore jamais eu personne en cette vie qui ne se soit tellement renoncé, qu’il ne trouve toujours le moyen de se renoncer davantage. Il y a peu de gens qui comprennent bien cela et restent fermes là-dessus. Il est juste de rendre la pareille et c’est un marché équitable: dans la mesure où tu sors des choses, dans la même mesure exactement, ni plus, ni moins, Dieu entre en toi avec tout ce qui est à lui"

On voit bien la dimension évangélique de cet enseignement. Il est donc normal de retrouver ce thème chez les mystiques protestants. Je donnerai comme exemple le mystique "visionnaire" Jakob Böhme qui écrit :

Dans De la vie au delà des sens, qui se présente comme un entretien d'un disciple avec son maître, Böhme reprend les thèmes de la désappropriation de soi-même, de l'anéantissement de l'homme pour laisser la place en lui à l'Amour qui le transporte en Dieu.

 

"Le disciple: Cher maître, où dans l'homme est la demeure de l'Amour?

Le maître: Là où l'homme ne demeure pas, c'est là qu'Il a en l'homme sa demeure.

Le disciple: Quel est ce lieu que l'homme en lui-même n'habite pas?

Le maître: C'est l'âme entièrement abandonnée, lorsque l'âme meurt à sa volonté propre et ne veut plus rien elle-même hormis ce que Dieu veut. C'est là que l'Amour a son habitation. Car, dans la même mesure où la volonté propre est morte à elle-même, l'Amour a occupé la place. Là où précédemment résidait la volonté propre, à présent il n'y a rien. Et là où il n'y a rien, l'Amour de Dieu seul est agissant".

 

 

 



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