Dieu est-il créateur du malheur ?
Comment comprendre Esaïe 45 : 7, Je forme la lumière et je crée les ténèbres, je donne la paix et je crée le malheur ? Dieu étant Amour, j'y vois une contradiction ?
Merci d'avance pour votre réponse.
pancho
Bonjour,
J’aime votre question car elle met en jeu bien des facettes de la foi, de ses difficultés et de ses joies.
Première facette, celle des textes bibliques et de leur étude attentive. Comprendre un passage biblique passe par l’examen de son histoire et du contexte qui l’a vu naître. Ce passage s’inscrit dans un ensemble plus large (les versets 1 à 8) qui nous montre que cette parole du prophète est une parole adressée à Cyrus « l’homme qu’il a consacré ». Qui est ce Cyrus ? Il s’agit d’un roi perse sous l’autorité duquel vivent les israélites déportés à Babylone après la chute de Jérusalem (-587). C’est un païen polythéiste qui, comme beaucoup de perses, a certainement une vision dualiste du monde. Un monde qui est le théâtre de l’affrontement entre une divinité du Bien (associé à la lumière) et une autre du Mal (associé aux ténèbres). C’est à cet homme qu’il s’agit de présenter le Dieu d’Israël, le Dieu unique. Or s’il est unique, il est à l’origine de toutes choses, donc aussi du malheur. Affirmer ainsi qu’il est le créateur de tout, c’est affirmer l’unicité et la toute puissance de Dieu. C’est cela qu’affirme l’auteur de ce passage quand il s’adresse à Cyrus et, à travers lui, à l’ensemble des croyants en exil qui, soumis à l’influence dualiste perse, ont sans doute bien des questions et/ou des doutes sur ces thématiques.
Le cœur du message du prophète n’est donc pas d’affirmer que Dieu est à l’origine du malheur, mais que le Dieu d’Israël est le Dieu unique.
Il n’en demeure pas moins, et c’est la deuxième facette, que cette affirmation a pour conséquence d’interroger le croyant (et c’est bien ce que vous vivez) sur les intentions de Dieu face au malheur. S’il n’y a qu’un seul Dieu, d’où vient le mal ? Les générations de croyants ont généré différents types de réponses. La plus classique est de placer l’origine du mal dans la liberté de l’être humain. Dans ce cas, ce que Dieu a crée ce n’est pas le mal proprement dit, mais la possibilité pour l’humain de le faire. Une autre consiste à dire que le mal est un moyen pédagogique dont Dieu use pour notre bien. Dans ce cas, Dieu a créée le mal, mais un mal sous contrôle dont il use de manière à nous faire progresser spirituellement. Une autre encore consiste à mettre en cause un ange déchu, c’est à dire une créature divine qui a manqué à sa mission et qui par jalousie et envie aurait été à l’origine du mal. Dans ce cas, Dieu n’est pas le créateur du mal, mais cela réintroduit dans le christianisme une forme de dualisme. Reste un autre type de réponse, qui a ma préférence, le mal je le constate, mais je ne l’explique pas (ou pas totalement), car expliquer le mal revient à le justifier d’une manière ou d’une autre. Or, tout le témoignage biblique (y compris les versets en question d’Esaïe) atteste que Dieu ne se résigne pas au mal, mais que toujours il l’affronte. Il ne se résigne pas à la malédiction pour toujours y substituer sa bénédiction. Ainsi face au mal, la Bible ne me donne pas d’explications, mais me mobilise pour le combattre.
Et, nous voici dans la dernière facette, ce combat je peux le mener avec assurance et confiance car Dieu lui-même s’y trouve engagé. Regardez le verset 8 qui suis immédiatement celui qui est à l’origine de votre question, il dit : « Que le ciel, là-haut, laisse tomber la rosée ! Et que les nuages fassent pleuvoir la victoire ! Que la terre s'entrouvre pour laisser fleurir le salut et germer la justice ! Voilà ce que je crée, moi le Seigneur. »
C’est bien cela le projet de Dieu pour sa création et il attend que chacune de ses créatures s’y engage.
Bien à vous
Didier Halter
Commentaires
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De Deux Alain23.12.2015
Je relis fréquemment un ouvrage de Henri Blocher : Le mal et la Croix. Le mal est une réalité injustifiable, une écharde dans la raison. Cela me suffit amplement.