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Protestantisme et individualisme, quel lien ?

05.11.2003 Thème : Protestantisme Bookmark and Share
Réponse de : Jean-Denis KraegeJean-Denis Kraege
Il me semble clair qu'en replaçant l'homme "devant Dieu", le protestantisme
a insisté sur la dimension individuelle ou personnelle de la vie humaine. Je
suis seul devant Dieu à me décider, à prendre mes responsabilités, à croire.
Personne ne peut le faire à ma place et je n'ai pas à le faire comme "on" le fait
ou comme telle instance me dicte de le faire...
Quel lien cette insistance sur l'individu a-t-elle alors avec l'individualisme
qui marque effectivement de plus en plus notre société ? Je crois qu'il faut
distinguer deux compréhensions incompatibles de l'individu pour pouvoir répondre.
Il y a l'individu qui se considère comme centre du monde, qui pense disposer
d'une immense liberté, qui est refermé sur sa bulle personnelle, cherche son
bonheur non moins personnel... Bref, cet individualisme est l'individualisme
égoïste. Le recourbement de son Ego sur lui-même ressemble étrangement à une définition
de ce que la Bible nomme le péché.
Il existe une autre définition de l'individu. Elle est inspirée de la Bible
et a été mise en valeur par les réformateurs puis par des penseurs comme Soeren
Kierkegaard. L'individu y est défini comme "noeud de relations" (St-Exupéry,
Pilote de Guerre). L'individu n'existe que dans les relations qui en lui se nouent
et le lient à autrui, à lui-même, au monde (naturel et culturel), à un absolu,
au temps. Il n'est pas alors un être qui pourrait être fermé sur lui-même puisqu'il
n'existe que par ses relations. Il sait que son bonheur personnel ne peut se conquérir
au détriment de celui d'autrui. Sa relation à autrui en serait faussée, son
existence aliénée et son bonheur frelaté. Il sait les responsabilités qui sont
les siennes à l'égard de la création ou en matière de défense des droits de
l'homme. Cet individualisme est celui qui permet d'aimer à la fois son prochain
et soi-même. Il ne cède pas à la fermeture égoïste. Il ne cède pas non plus
à l'indifférenciation et à la dissolution du Moi dans une foule, des impératifs
familiaux, claniques, communautaires ou de groupe. Cet individualisme tente
de vivre un réel équilibre entre l'authenticité personnelle et de nécessaires
intégrations dans la société, dans telle communauté, famille, groupe, sans lesquels
je en pourrait être pleinement moi-même.
A nos contemporains en quête d'identité personnelle, je crois utile de proposer
cette distinction entre ces deux formes d'individualisme. Si notre auditoire
est de plus chrétien, il vaudra la peine d'user de l'argument suivant: lorsque
Dieu est venu nous rencontrer, il n'a pas choisi de se faire peuple, clan, caste,
doctrine, texte de loi, sagesse... Il s'est fait homme, c'est-à-dire individu,
mais un individu qui a existé fondamentalement dans sa relation à Dieu, ce qui
lui a permis de pleinement vivre sa relation à autrui, au monde, au temps, à
lui-même.



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